Un portrait du premier Afro-Canadien cinéaste sélectionné pour un Oscar et un Emmy: Hubert Davis Print
Written by Patricia Turnier   
Monday, 05 July 2010 19:36

 

 

 

 

 

 

 

 





Hubert Davis a grandi à Vancouver (CB) et a été élevé par sa mère.  Davis est un scénariste et un réalisateur qui a obtenu son baccalauréat au programme de Films & Communications de l’Université McGill en 1999.  Il a aussi étudié au  programme d’écriture créative à l’Université de Colombie-Britannique avec le scénariste Peggy Thompson (The Lotus Eaters, Better than Chocolate).  Hubert Davis est un cinéaste et un réalisateur commercial pour Untitled Films.  Il a œuvré en tant réalisateur commercial pour la compagnie de montage Panic&Bob de 2002 à 2005.  Le travail de monsieur Davis a fait la chronique de plusieurs médias incluant des publications telles que Who’s who in Black Canada (de Dawn P.  Williams), le journal Métro ( en français et en anglais),  The Vancouver Sun, le magazine Sway, The Globe and Mail, Le Devoir, Canada AM, CTV.ca, etc.

Depuis ses années d’adolescence, Hubert Davis savait que la cinématographie était sa marotte [dans le sens mélioratif] .  “J’ai su que je voulais être cinéaste lorsque j’avais 17 ans.  J’ai vu deux films qui ont eu un grand effet sur moi :  le long métrage de Spike Lee Do The Right Thing et celui de Martin Scorsese Goodfellas” a-t-il exprimé durant notre entrevue.  Quand il avait pour ambition de devenir cinéaste, son premier travail Hardwood a reçu une nomination aux Oscars en 2005 pour la catégorie “Meilleur court documentaire” et une nomination aux Emmys en 2006 dans la catégorie “Remarquable programmation artistique et culturelle1” pour ses débuts en tant que réalisateur.  En ce qui a trait à son court-métrage, Davis est devenu le premier Afro-Canadien de l’histoire à recevoir une nomination pour la prestigieuse Académie des arts et sciences du cinéma américain ainsi que pour un Emmy.  Monsieur Davis a pris connaissance de sa nomination lorsqu’il a cliqué sur le site de l’Académie des arts en 2005.  Il a partagé avec nous comment il s’est senti par rapport au fait d’être le premier Afro-Canadien cinéaste sélectionné pour un Oscar et un Emmy concernant son premier documentaire.  “ Il y a tant de formidables cinéastes afro-canadiens qui étaient présents avant moi – Clement Virgo2, Stephen Williams3, Sudz Sutherland4 tout simplement pour en citer quelques-uns.  Par conséquent, c’est un grand honneur” a-t-il dit.  À cet égard, il loue les cinéastes qui ont ouvert la voie aux futurs réalisateurs comme lui.

Le documentaire Hardwood est divisé en trois parties – “amour”, “mémoire” et “rédemption”.  Hubert Davis a réalisé, édité et écrit le documentaire.  Le documentaire autobiographique  Hardwood est un tour de force.  Le film est basé sur la vie de son père, Mel Davis, un ancien athlète du Harlem Globetrotter5 et un joueur de basket-ball du NBA (des années 70) ainsi que sur les relations familiales.  Hardwood explore plusieurs thèmes comme le parallèle entre la fascination de l’enfance de Davis liée à la célébrité de son père. 

Hardwood a été présenté en primeur en 2004 et a été projeté à plus de 30 festivals de films.  En sus, il a été largement acclamé et a remporté divers prix.  Le documentaire permet aux auditeurs de saisir les dynamiques familiales, l’absence du père ou la rencontre d’un autre membre de la famille ultérieurement dans la vie.  Ces thèmes sont planétaires et sans frontières.  Le National Post (de Toronto) a écrit qu’Hardwood est “un documentaire profondément personnel et fascinant qui porte sur une histoire, de cercles de famille (…) et du cœur humain.”

Tout d’abord, Davis espérait seulement créer un documentaire à propos de la vie de son père (dans Hardwood) en tant qu’athlète professionnel de basket-ball.  Hardwood est devenu finalement une réflexion portant sur sa famille, le courage des membres qui ont su partager leurs histoires personnelles.  Lorsque nous avons demandé s’il avait des réserves au début d’utiliser une touche personnelle, Davis a répondu:  “Faire de Hardwood un film personnel a été un choix extrêmement difficile.  J’ai mis beaucoup de temps à surmonter cela – mais finalement la décision a été prise en fonction de ce qui ferait le meilleur projet”.  Hardwood a évoqué des émotions et est devenu un catalyseur de guérison, de rédemption, d’éclaircissement et d’ouverture.

Concernant le travail additionnel de monsieur Davis, son court-métrage fictif de dix minutes Aruba, a été présenté au festival du film Sundance en 2006.  Il a reçu le prix Don Haig en tant que meilleur réalisateur canadien (qui se démarque) en 2007 au festival international des documentaires canadiens Hot Docs.  Hubert Davis a travaillé sur d’autres films comme The Republic of Love en tant qu’assistant au montage pour Bollywood/Hollywood (réalisé par l’Indo-Canadienne Deepa Mehta ayant reçu une nomination aux Oscars et aux Génies pour Water en 2006 et 2007).  Elle a eu une influence au début de la carrière cinématographique de Davis:   « avant d’avoir commencé dans le domaine de la réalisation, j’ai oeuvré au niveau de la postproduction.  J’ai eu la chance de travailler avec Deepa Mehta.  Elle était l’une des premières réalisatrices que j’ai vue en action derrière les caméras. Cela devient toujours plus réaliste de poursuivre son rêve lorsque l’on a la chance de voir les gens mis en scène - cela rend les choses réelles” dit-il.

Invisible City (une production TVO-NFB) est le dernier documentaire de Hubert Davis6.  Il s’agit de l’histoire de jeunes résidents du quartier Regent Park à Toronto, la plus vieille cité du Canada7.  Le plan de revitalisation de Regent Park implique la destruction de la communauté existante au-delà des quinze prochaines années ce qui a soulevé plusieurs questions pour plusieurs.  L’une des plus importantes étant:  Qu’arrivera-t-il à cette communauté déplacée?

Invisible City est principalement centré sur la vie de deux adolescents Kendell et Mikey8 (qui sont des amis d’enfance) au cours de leurs dernières années du secondaire.  Ces adolescents et leurs mères ont été capables de partager devant les caméras des problèmes très personnels. Quand nous avons demandé comment il a été en mesure de faire en sorte que ces mères s’ouvrent d’une manière aussi profonde, Davis a précisé:  “Je pense que j’essaie tout simplement de comprendre la situation.  Je ne suis pas là pour juger quiconque – je suis présent pour poser des questions et de vraiment écouter ce que les autres ont à dire.”

Dans le film, Davis introduit aux auditeurs Ainsworth Morgan, un ancien joueur canadien de la CFL9 qui a grandi au Regent Park et qui est retourné (dans ce secteur) en tant que professeur et mentor.  Monsieur Morgan a introduit monsieur Davis aux deux adolescents et a été utile au cinéaste pour lui permettre de pénétrer le monde de Kendell et Mikey.

Hubert Davis a expliqué durant notre entrevue pourquoi il était important pour lui en tant que réalisateur de faire un film touchant des sujets comme le profilage racial, les problèmes entourant le système scolaire, l’absence de modèles masculins:  “Je veux que le film reflète franchement et honnêtement les divers problèmes dont plusieurs jeunes hommes noirs ont à faire face dans notre ville aujourd’hui.  En même temps, je ne veux pas non plus simplifier ni faire du sensationnalisme avec ces problématiques.”

La rédemption est un thème récurrent dans les documentaires de Davis.  Le cinéaste a commenté sur cet aspect que nous retrouvons également dans Invisible City:  “La rédemption représente une partie importante de mes films parce que je crois qu’il est toujours possible de changer nos vies pour le meilleur.” 

Il importe de noter que monsieur Davis a été inspiré par le roman classique américain de Ralph Ellison Invisible Man10 qui a utilisé de nombreuses images, des métaphores et des allusions afin d’accroître l’impact émotionnel et intellectuel du livre.  Hubert Davis a relaté pourquoi il était fondamental d’utiliser l’invisibilité allégorique d’Ellison pour son documentaire:  “Je pense que la plupart des jeunes se sentent invisibles.  Grandir n’est pas aisé pour tout le monde mais si on a aussi à faire face à des problématiques telles que la race et la pauvreté, dans ces situations, je pense que les réalités reliées à la façon dont on est perçu sont encore plus profondes.  Est-ce que les gens nous voient réellement ou, voient-ils seulement les vêtements que nous portons et le quartier d’où nous sommes issus?

Invisible Man a été narré à la première personne par un Afro-Américain anonyme qui se considère socialement invisible.  Nous pouvons mettre en parallèle ce roman avec la réalité de ces enfants du Regent Park qui ont à faire face à l’invisibilité au sens figuré.  La métaphore de l’invisibilité est utilisée pour dépeindre les luttes reliées au fait de grandir dans les cités des quartiers pauvres où les problématiques de race et de crime, de succès et d’échec, de famille ainsi que le fait de devenir un homme peuvent affecter l’issue de tout cela.  Pareillement au roman de Ralph Ellison, les garçons de Regent Park recherchent leur identité et leur place dans la société.  Le titre Invisible City dépeint d’une manière authentique la vie de ces jeunes gens.

Pendant l'entrevue, Hubert Davis a partagé avec nous comment il souhaite qu’Invisible City ait un impact sur la jeunesse:  “J’espère que les jeunes auditeurs, quel que soit le milieu dont ils sont issus, seront capables de voir une partie d’eux-mêmes ou de reconnaître des gens qu’ils ont rencontrés dans le film”.  En février 2010, Invisible City a été présenté en primeur au Théâtre Royal de Toronto et à TVO.  La version française du film La Cité Invisible a aussi été présentée durant le mois de l’histoire des Noirs 2010 à l’ONF (la division française de l’agence culturelle fédérale du NFB).  Invisible City se termine sur une citation puissante.  Il appartiendra aux futurs auditeurs de la découvrir quand ils verront la projection.

Durant l’entrevue, nous avons demandé à monsieur Davis quels conseils il aurait espéré recevoir lorsqu’il était en train de devenir cinéaste.  En cela, Hubert Davis nous a donné des avis pour les jeunes gens souhaitant  suivre ses traces:  “Trouvez une façon de voir quel type d’histoire vous souhaitez raconter et soyez déterminés.  N’abandonnez jamais”.  Il a ajouté:  “Il importe pour les jeunes gens de comprendre qu’il est très difficile de percer dans le domaine du cinématographe.  Ainsi, on doit être prêt à recevoir beaucoup de refus.  On a besoin  d’avoir la peau dure.”

En résumé, Hubert Davis est un brillant cinéaste possédant une formidable aptitude à évoquer des émotions puissantes dans ses documentaires et de mettre en relief des problématiques cachées en utilisant des messages sans équivoque.  Tel que susdit, Hardwood et Invisible City concernent le pouvoir de la rédemption et la guérison des liens entre les gens.  Davis sait comment mettre en évidence plusieurs niveaux d’émotions empreintes de nuances dans ses films.  Ses documentaires sont supérieurs aux autres films de même nature.  Ses oeuvres remarquables devraient être traduites en plusieurs langues.

À  la fin de l’entrevue, le documentariste a conclu en nous informant de ses futurs plans:  “Je travaille actuellement sur quelques projets de longs métrages dramatiques”.  En se basant sur l’apport passé de Davis au niveau de ses documentaires, nous savourons à l’avance ses prochaines contributions.  Entrevue menée par la rédactrice en chef de Méga Diversité Patricia Turnier (détentrice d’une maîtrise en droit, LL.M) en mars 2010. Cette entrevue a été diffusée en anglais sur www.afrotoronto.com.  Cet article a été traduit en français par la même autrice.

___________________________________

 Nominations pour Hardwood:

 
- Nomination aux Oscars en 2005
- Nomination aux Emmys en 2006

Prix additionnels:

  • Prix d’excellence Golden Sheaf, Festival du court-métrage & du vidéo Yorkton Short, 2004
  • Prix du meilleur documentaire au World Wide Short Film Festival, 2004
  • Hardwood a également été sélectionné pour l’InFact Film Series à LA, 2004
  • Prix du meilleur court documentaire pour le festival Big Sky Documentary Film & Video, 2005
  • Prix dans le cadre du festival Black Maria Film & Video (un choix du jury), 2005


Prix pour Aruba:
Prix du Grand Jury Palm Springs Panavision 2006

Prix pour Invisible City:
Meilleur documentaire canadien dans le cadre du festival du film Hot Docs 2009

A partir du mois de juin 2010, Invisible City sera disponible en DVD à www.nfb.ca/boutique et dans les centres publics de Toronto, à la Médiathèque de cette ville et à la Cinérobothèque de Montréal.

Pour voir une annonce du documentaire Invisible City, cliquez sur:

http://www.youtube.com/watch?v=zEHz2inSBJQ

_ _ _ _ _ _ _

1 Traduction littérale de Outstanding Cultural and Artistic Programming
2 Il a réalisé Rude, Love Come Down, etc
3 Il a réalisé la série dramatique Lost pour ABC (Williams était aussi un producteur-exécutif pour ce programme télévisé), les émissions  Soul Food, 21 Jump Street, etc
4 Il était impliqué dans les épisodes de Da Kink In My Hair, Degrassi: The Next Generation, etc
5 Les Harlem Globetrotters sont une équipe de basket-ball originaire de Chicago dans l’État de l’Illinois aux États-Unis. Ils se produisent à travers le monde au cours de matchs d'exhibition aussi amusants qu'athlétiques (source:  www.wikipedia.org)
6 Il a réalisé, coproduit, coécrit et monté le documentaire
7 Il s’agit du premier quartier de HLM bâti au Canada à la fin des années 40
8 Ils sont des étudiants à l’école publique Mandela Park
9 Canadian Football League (Ligue canadienne de football)
10 Le titre de ce roman en français est Homme invisible, Pour qui Chantes-Tu?.  Il s’agit de l’œuvre majeure de Ralph Ellison qui a remporté le National Book Award en 1953.  Time Magazine a classé ce roman parmi les 100 meilleurs romans de langue anglaise de 1923 à 2005