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Portia Lucretia Simpson Miller: Première femme à la tête de la Jamaïque PDF Print E-mail
Written by Patricia Turnier   
Sunday, 25 March 2012 14:28

 

 




BIOGRAPHIE ET CARRIÈRE POLITIQUE

 

Madame Portia Lucretia Simpson-Miller est née en Jamaïque (troisième île des Antilles en superficie) plus précisément à Wood Hall, paroisse de Sainte-Catherine le 12 décembre 1945. Provenant de la classe ouvrière, elle a épousé en 1998 Errald Miller, homme d’affaires et ancien directeur exécutif de la Cie de câbles et de télécommunications sans fil de Jamaïque.

La carrière remarquable de madame Miller a débuté dans la sphère politique depuis 1970. Le New York Times a relaté qu’à l’époque cette femme souhaitait mettre sur pied un projet de réhabilitation urbaine et faisait déjà preuve d’un grand stoïcisme. Madame Miller, femme politique a été désignée membre du parlement jamaïcain pour la première fois en 1976.  Elle représentait ainsi le Sud-ouest de la paroisse de Saint Andrew. Depuis 1978, elle fut vice-présidente du PNP (parti national du peuple jamaïcain) [1]. De 1993 à 1995, elle a occupé la fonction de ministre du travail et du bien-être, ensuite ministre du travail, de la sécurité sociale et des sports de 1995 à février 2000. Par la suite, elle a été nommée ministre du tourisme et des sports de février 2000 à octobre 2002. D’octobre 2002 au 30 mars 2006, elle a occupé la fonction de la gouvernance locale et des sports.

Madame Portia Simpson-Miller a été élue Premier Ministre de la Jamaïque le 30 mars 2006 et elle est devenue le septième premier ministre jamaïcain. Elle fut également le leader du PNP en remplaçant Peter Philipps et elle a succédé à P.J.Patterson (au pouvoir depuis 14 ans).  Elle est devenue la troisième femme chef d’état dans les Antilles anglophones et l’Amérique du Sud anglophone, c’est-à-dire suite à Eugenia Charles de la Dominique et Janet Jagan de la Guyana élues à la fin du XXe siècle. Il importe d’ajouter que madame Miller est la première femme noire du XXIème siècle à avoir dirigé un pays en Amérique. Le prestigieux magazine Forbes a classé en 2007 madame Miller en 81ème position parmi les femmes les plus puissantes au monde. 


Lors de l’inauguration en 2006, madame Miller a prononcé les mots suivants :  "Aujourd’hui est un jour historique (...) une femme des quartiers ruraux de Sainte Catherine est devenue la Première Ministre de la Jamaïque, la réalisation du rêve jamaïcain". La Première ministre a brisé la tradition en faisant une prière avant de prêter serment durant la cérémonie d’inauguration à Kings House, le siège du gouvernement à Kingston. Ainsi, il importait pour madame Miller de faire appel à l’intervention divine durant son élection et son mandat à exercer. "Ma première promesse au peuple jamaïcain est de faire progresser les droits de l’Homme et les libertés individuelles. Chaque vie individuelle est sacrée. Aucune n’est plus importante que les autres, quelle que soit l’origine, la couleur de la peau ou le sexe. Nous sommes tous égaux devant Dieu" a-t-elle dit en 2006. 

Le peuple appelle affectueusement madame Miller "Sista P.", "Momma" ou "Tante Portia" depuis le mois de mars 2006. Il importe d’ajouter que les femmes de la Jamaïque ont pleuré de joie au moment de l’inauguration de madame Miller.  Le premier mandat de madame Miller a pris fin le 11 septembre 2007 suite à l’échec de son parti aux législatives. Bruce Golding [2] , homme d’affaires est devenu à l'époque le nouveau Premier ministre et président du Parti travailliste jamaïcain (Jamaican Labour Party (JLP ) [3]). Ainsi, le Parti travailliste jamaïcain a obtenu 32 sièges à l’Assemblée contre 28 au PNP. Il s’agit du résultat le plus serré du pays depuis son indépendance en 1962 [4]. Le 5 septembre 2007, Portia Simpson Miller a accepté la défaite suite à son scepticisme.

À cet égard, madame Miller avait initialement refusé de concéder l’échec de son parti et avait prévenu qu’elle n’hésiterait pas à contester légalement une élection qu’elle considérait irrégulière. Le "recomptage" des voix a duré environ deux jours. Les observateurs étrangers présents sur place ont pour leur part estimé que le scrutin était juste. Le taux de participation a atteint 60% dans un contexte difficile. Après le passage dévastateur de l’ouragan Dean le 19 août 2007, la Jamaïque a été privée d’électricité et d’eau courante pendant huit jours. Le pays a été placé en état d’urgence jusqu’au 25 août 2007. Le pays est resté cependant calme le jour du scrutin mais la fin de la campagne électorale a été perturbée par des violences : au moins dix personnes ont trouvé la mort sur l’île.

Madame Miller a finalement souhaité ses meilleurs vœux de réussite à son successeur, Bruce Golding. L’exercice du pouvoir de madame Miller n’a pas toujours été aisé car elle a dû faire face aux préjugés de classe (le Premier ministre étant d’origine modeste) et au sexisme. Toutefois, madame Miller n'a manifesté aucune rancœur ou amertume face à ses opposants. Cette attitude a su charmer le peuple. Les principales luttes de madame Miller durant son premier mandat consistaient à combattre la corruption, le chômage, les inégalités socio-économiques en d’autres mots la disparité entre les riches et les pauvres.[5]  Elle a incarné le rôle d’avocate des déshérités en visant le plein emploi pour tous les Jamaïcains. Elle a souligné en juin 2007 que la Jamaïque détient le plus faible taux de chômage depuis l’histoire récente du pays (indépendant depuis 1962) composé d’environ 2.7 millions d’habitants. Madame Miller a également précisé l’importance de l’économie informelle, le développement des micro, des petites et moyennes entreprises stables pouvant favoriser la création d’emplois décents. Dans cette perspective, le président de la Banque mondiale, Paul Wolfowitz avait souligné à Washington le 14 juin 2006 l’engagement de madame Miller dans sa lutte contre l’indigence :

"Je suis enchanté de rencontrer la première ministre Portia Simpson Miller, première femme de l’histoire de la Jamaïque à accéder à la fonction de premier ministre (...) Nous saluons l’accent mis par la première ministre sur des aspects tels que l’éducation, le développement des quartiers centraux déshérités ou encore la réduction du crime et de la violence, ainsi que le ferme engagement qu’elle a pris pour maintenir la stabilité macro-économique". De cette façon, le président Paul Wolfowitz s’est engagé à continuer l’action menée par la Banque mondiale afin d’appuyer le développement de la Jamaïque et de combattre la pauvreté.[6]

Ainsi, durant son premier mandat de 17 mois, Madame Miller a oeuvré activement pour le développement économique du pays et le changement de la société jamaïquaine tout en demeurant consciente des nombreux défis et obstacles à relever : les aspects négatifs de la mondialisation, les problèmes environnementaux (notamment le réchauffement de la planète), la hausse des prix du pétrole, etc. Le nom de madame Miller est maintenant inscrit à jamais dans les annales de l’histoire antillaise et de l’Amérique en étant la première femme à la tête de la Jamaïque.[7] Le président américain Barack Obama et la secrétaire d'État des États-Unis Hillary D. Rodham Clinton font partie des personnalités qui ont pris le temps d'appeler madame Miller afin de la féliciter lors de sa deuxième ascension au pouvoir à la fin du mois de décembre 2011.  Le fameux magazine Essence a souligné l'événement en faisant une entrevue avec madame Miller en avril dernier.  Le 6 août prochain la Jamaïque célébrera son 50ème anniversaire. La population fêtera avec joie cet événement en ayant à la tête de leur pays une femme.

Madame Miller a ainsi été Première ministre du 30 mars 2006 au 11 septembre 2007 et de nouveau elle occupe cette fonction depuis le 5 janvier 2012.  Lorsqu'elle a démissionné le 11 septembre 2007 après l'échec de son parti aux législatives, elle est devenue alors chef de l’opposition au gouvernement travailliste dirigé successivement par Bruce Golding puis Andrew Holness entre 2007 et 2011.  Après les élections législatives du 29 décembre 2011 remportées par son parti le PNP, Portia Simpson-Miller a retrouvé son poste de Première ministre pour la seconde fois le 5 janvier 2012. Peu de temps après, elle a déclaré vouloir quitter le Commonwealth et sa dépendance royale britannique, afin de transformer la Jamaïque en République.  

 

[Cet article avait été diffusé en Europe en 2008 suite à la première ascension au pouvoir de madame Miller et a été mis à jour en date d'aujourd'hui]



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Notes

[1] Le PNP représente le parti de Michael Manley, élu premier ministre en 1972, qui s’était démarqué en réduisant les privilèges des sociétés étrangères, dont il avait haussé les impôts. Son régime attirait la considération de Fidel Castro à Cuba. Il fut réélu en 1976. Le pays étant touché sérieusement par la crise économique, les élections de 1980 donnèrent la majorité au parti rival, le JLP (Jamaïcan Labour Party), dont le chef, Edouard Seaga, fut élu. Puis le PNP revint au pouvoir en 2002. Aucun des deux partis rivaux n’a apporté de solution aux sérieuses difficultés liées notamment à la misère et l’insécurité touchant les pauvres du pays. Cette situation explique leur alternance au pouvoir: désappointée par l’un, la population se retourne vers l’autre, et inversement.

[2] Bruce Golding, le nouveau premier ministre s’est retrouvé pendant dix huit années dans l’opposition avant de gagner les dernières législatives de l'époque. Finalement, il est devenu le huitième chef de gouvernement jamaïcain. Il a été élu pour la première fois au Parlement en 1972 à l'âge de 24 ans. Il a pris la tête du JLP en février 2005 et menait sa première campagne législative de même que Portia Simpson Miller. Avant Golding, Sir Alexander Bustamante, Donald Sangster, Hugh Shearer, Michael Manley, Edward Seaga, P.J. Patterson et Portia Simpson-Miller avaient été premiers ministres.

[3] Ce parti a pris le pouvoir pour la première fois depuis 1989

[4] Lors de la campagne électorale, les deux partis ont accordé de l’importance à l'éducation et à la prospérité économique. Le PNP promettait un programme quinquennal visant à combattre l'illettrisme. Pour sa part, le JLP a pris à l'époque l’engagement de permettre l’accès à l'école pour tous s’il remportait les élections. Cet accès à l’éducation viserait notamment à améliorer les institutions scolaires primaires. Le parti de Golding a également promis durant les élections de réduire la dette du pays afin d'alléger le fardeau fiscal. Le JLP avait aussi attaqué le PNP sur la question de la corruption, lui reprochant de ne pas donner suffisamment de ressources à la « Corruption Prevention Commission ».

[5] Lors de la Conférence annuelle de l’Organisation internationale du Travail (OIT) en juin 2007, madame Miller a déclaré : « Nous avons l’obligation de nous attaquer sérieusement à la question de la pauvreté ou bien nous subirons les effets dévastateurs d’un tsunami humain de frustration, de rage et de rébellion ». Elle a ajouté que la recherche du travail décent « n’est pas un choix, c’est un impératif mondial ». Le Directeur général du BIT, Juan Somavia a souligné que la Jamaïque est un pays « ouvert sur le monde, accueillant pour les personnes, les entreprises et les investissements » et a complimenté la Première ministre Miller en précisant qu’elle est « au cœur du défi qui consiste à s’attaquer aux inégalités qui peuvent déchirer les sociétés et à s’assurer que le marché est au service de l’homme et non l’inverse ».

[6] La Banque mondiale a approuvé è l'époque une stratégie d’aide-pays (CAS) pour la Jamaïque qui prévoit la fourniture à ce pays d’une aide financière au titre de projets allant jusqu’à 150 millions de dollars pour la période 2006-09 et un apport de services consultatifs et techniques. Cette stratégie vise à appuyer le programme de lutte contre l’indigence défini par le pays au moyen de projets en faveur du développement de la petite enfance, des jeunes en difficulté et du développement rural. Le Conseil des administrateurs de la Banque mondiale a d’ores et déjà accepté, le 29 mars 2006, un prêt de 29,3 millions de dollars ayant pour but d’améliorer le niveau de vie des pauvres des quartiers centraux déshérités de 12 villes par des actions en faveur de l’accès aux infrastructures urbaines de base, des services financiers, de l’équilibre du régime foncier, d’une consolidation des capacités communautaires et d’une meilleure sécurité publique. Le portefeuille de projets de la Banque en Jamaïque comporte au total cinq opérations constituant un appui financier global de 108,4 millions de dollars.

[7] Le journal américain de Boston rThe Christian Science Monitor a effectué une analyse sociologique de la population jamaïquaine et a fait le constat que l’élection d’une femme à la tête du pays est loin d’être le fruit du hasard. En effet, à l’université plus de 70% des étudiants sont des femmes. Dans certains domaines comme le droit, elles sont entre 80% et 90%. En sus, l’université ne présente pas le seul endroit où les femmes excellent en Jamaïque. Depuis au moins vingt ans, la moitié des femmes sont sur le marché du travail et elles occupent souvent des postes de cadres moyens ou supérieurs. Elles sont également nombreuses à avoir pris des postes dans l’enseignement supérieur.