Accueil Entrevues ENTREVUE EXCLUSIVE AVEC L’ANCIEN CANDIDAT À LA PRÉSIDENTIELLE FRANÇAISE: DR PATRICK LOZÈS
ENTREVUE EXCLUSIVE AVEC L’ANCIEN CANDIDAT À LA PRÉSIDENTIELLE FRANÇAISE: DR PATRICK LOZÈS PDF Print E-mail
Written by Patricia Turnier   
Sunday, 01 April 2012 19:48

 

 

 

 

 

 

 

 


Dr Gabriel Lozès, M.D le père de Patrick Lozès a été sénateur français de la Vème République. Par la suite, il fut ministre de la Santé et secrétaire général du Parti démocratique dahoméen, le parti unique puis ministre des Affaires étrangères du Dahomey (ancien nom du Bénin) en 1964-1965. Le père de M. Lozès a aussi été tirailleur. En 1997, la famille Lozès s’est installée en France. Patrick Lozès a obtenu divers diplôme notamment un doctorat en pharmacie de l’Université de Paris (V René Descartes, 1991). Il est également diplômé de l'École supérieure de commerce de Paris. Il importe d’ajouter que M. Lozès est polyglotte. Il parle évidemment le français mais aussi l’anglais, il comprend l’allemand. Il maîtrise également le fon (une langue béninoise).

Sur le plan politique, en 1988 il a rejoint l’UDF. En 2002, M. Lozès est devenu candidat de ce parti dans la première circonscription de Paris durant les élections législatives. En 2003, il a créé le Cercle d’action pour la diversité (CAPDIV) qui combat toutes les formes de discrimination touchant notamment les Noirs, les homosexuels et les Juifs. En 2005, il a mis sur pied le Conseil Représentatif des Associations Noires de France (CRAN) dont il a été élu président. Le CRAN a été fondé le 26 novembre 2005 à l’Assemblée nationale par une soixantaine d’associations, particulièrement des représentants des Africains et des Antillais demeurant en France. En novembre 2011, Louis-Georges Tin a pris la relève de la présidence du CRAN. En octobre 2007, le gouvernement français a confié une mission à M. Lozès et lui a demandé de s’occuper du développement écologique en Martinique concernant particulièrement la pollution au sein de ce département d’outre-mer. Ce dossier a été confié par le ministre de l’écologie Jean-Louis Borloo. M. Lozès a démissionné le mois suivant car il subissait des pressions pour renoncer à s’interroger sur le chlordécone, un pesticide cancérogène employé particulièrement dans les bananeraies.

En 2008, Patrick Lozès a occupé la fonction de directeur intérimaire de la Chambre de commerce de la diaspora africaine en France, partenaire de la National Black Chamber of Commerce (NBCC). Durant la même année, M. Lozès a créé une entreprise de conseil en communication, L & Associés. Cette société de conseil a particulièrement pour client depuis 2010, une ONG humanitaire, pour un contrat s’élevant à 15 000 euros par mois (comptabilisés dans le chiffre d'affaires et ne constituant pas un salaire). La mission a consisté à conseiller cette organisation pour mettre en œuvre une démarche de transparence et de responsabilité, pour certifier notamment en France la réalité de son travail sur le terrain, la doter de relais reconnus pour ses activités en Afrique, et la doter de conseils juridiques. En 2009, M. Lozès a été élu au conseil d’administration de la NBCC qu’il a représenté à compter de 2008 pour ses activités en métropole. En janvier 2009, il est devenu membre du Conseil scientifique et d’évaluation de la Fondation pour l’innovation politique.  Le 19 janvier 2009, il a organisé la venue au Gala annuel de la NBCC, de Chloé Mortaud, Miss France 2009, qui renouait ainsi pour la première fois avec ses racines américaines.

En novembre 2009, Patrick Lozès a occupé la fonction de directeur d’une mission de lutte contre le racisme et le communautarisme. Ce mandat a été confié par le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner et celui de l’Intérieur, des collectivités territoriales et de l’Outre-mer, Brice Hortefeux. M. Lozès est l’auteur de plusieurs ouverts dont Candidat: Et pourquoi pas? est le dernier. Il a publié également des articles tels que "Pourquoi je veux que la France renoue avec sa diversité" diffusé par le Monde.fr en automne 2011. Plusieurs médias ont fait mention des diverses contributions de M. Lozès. Par exemple, en août 2009, le magazine Jeune Afrique l’a consacré parmi les 100 personnalités de la diaspora africaine.

Le 22 septembre 2011, M. Lozès a posé sa candidature à la présidence française et il a fondé le parti politique « Allez la France ». Il a ainsi choisi «le 22 septembre, anniversaire du premier jour de l'an I de la République» pour faire sa déclaration à Paris pour sa candidature présidentielle. Il importe de noter qu’avant M. Lozès, parmi les Afro-Français le 30 novembre 2000, l’humoriste Dieudonné a annoncé son intention d'être le candidat des Utopistes à l'élection présidentielle de 2002. Il n’a pas recueilli les parrainages nécessaires pour se présenter à l'élection présidentielle. Christiane Taubira, députée de Guyane, s’était également lancée dans la course en 2002, au nom des radicaux de gauche (PRG). Sa campagne était axée sur l’égalité des chances et elle a obtenu 2.32% des voix au premier tour. Le 22 avril 2012, le premier tour de l’élection présidentielle aura lieu et le monde verra ce que les Français auront décidé. Méga Diversité est allé à la rencontre de M. Lozès le 18 décembre 2011. Dans le cadre de notre entrevue, il s’est notamment prononcé sur ses perspectives présidentielles. Il s’agit du premier entretien exclusif fait à l’étranger, plus précisément au Canada.

[Cette entrevue a eu lieu lorsque Dr Lozès a posé sa candidature pour la présidentielle. Le 16 mars 2012, il a déclaré officiellement à Paris s’être retiré de la course pour se consacrer à la création du premier parti français de la diversité. 500 signatures étaient requises pour se présenter à l’élection ce qui n’a pu être atteint. ]

PATRICIA TURNIER, RÉDACTRICE EN CHEF S’ADRESSE AU DR LOZÈS, CANDIDAT À LA PRÉSIDENCE FRANÇAISE :

P.T. Présentez-vous en quelques mots à nos lecteurs internationaux.

P.L. Je suis né en 1965 à Porto Novo au Bénin. Je suis fier de mes origines béninoises et françaises. Je me décris comme un homme politique et un activiste associatif français. Je suis marié et père d’un enfant âgé de dix ans. Mon grand-père était un menuisier originaire du Bénin. Mon père a été médecin, ensuite sénateur puis ministre. De mon grand-père menuisier et de mon père ministre, j’ai retenu deux images. L’image de mon grand-père travaillant dans son atelier, sans relâche, de jour comme de nuit, à scier le bois, dans la poussière et les copeaux. La deuxième image, est celle de mon père en grande tenue, en visite à l’ONU. J’ai toujours cette photo dans mon bureau. Et il suffit que je lève les yeux pour voir, dans ceux de mon père, les valeurs de devoir, de courage et de dignité qu’il m’a transmises. Cela forge un caractère et l’homme que je suis devenu. Mon grand-père et mon père m’ont appris la patience, la rigueur, le travail.

Lorsque mes parents ont divorcé durant mon adolescence, je suis venu habiter avec ma fratrie et ma famille recomposée dans les banlieues populaires et modestes de la France. J’ai vécu à Criel (Oise), Villepinte (Seine-Saint-Denis) Tremblay-en-France (Seine-Saint-Denis), dans la région parisienne et ainsi de suite. J’ai durement travaillé et j’ai bénéficié d’une bourse républicaine qui m’a permis d’obtenir des diplômes pour ensuite créer ma place dans la société française. Je suis aujourd’hui docteur en pharmacie et aussi titulaire d’un DEA en toxicologie, d’une maîtrise de sciences biologiques ainsi que médicales. J’ai fondé et je dirige une société de conseils L & Associés. En 2002, j’ai été candidat aux élections législatives dans la première circonscription parisienne sous les couleurs de l’UDF. En 2005, j’ai créé le Conseil Représentatif des Associations Noires de France, le CRAN. En 2011, j’ai fondé le parti centriste qui s’appelle Allez la France. J’aime la France, je suis patriote et je dois tout à la République.

P.T. Vous en avez parlé précédemment mais partagez davantage avec nous ce que vos parents vous ont inculqué au niveau des valeurs que vous pourrez mettre au service du politique.

P.L. Mes parents m’ont enseigné notamment la patience, la rigueur, l’éthique du travail, le sens du devoir, le courage, la dignité, la détermination et le dépassement de soi. En bref, j’ai hérité de ces valeurs qui ont fait la grandeur de la France. Mon père entre autres, m’a donné le goût des affaires publiques tout en apportant du soutien à son prochain. J’ai reçu beaucoup des valeurs béninoises et françaises de ma famille. Je veux rendre à la France une partie de ce que j’ai reçu d’elle. Ma candidature à l’élection présidentielle s’inscrit dans cette perspective. Il s’agit pour moi d’une candidature de responsabilités. Elle vise à rappeler la responsabilité du pays envers sa diversité mais aussi la responsabilité des Français issus de la diversité envers leur pays. Je veux parler de droits mais aussi de devoirs. Je souhaite que la question des quartiers populaires ne soit pas éludée dans cette élection. La population des banlieues a un rôle décisif à jouer dans la France de demain. Si on ne fait rien et qu’on laisse les quartiers sensibles se marginaliser davantage, des enjeux surviendront particulièrement au niveau socio-économique. Je ne suis pas un prosélyte de la politique du laisser-faire.

Mes parents m’ont inculqué que la France est un grand vivier de richesses humaines. Je promeus l’idée de l’égalité qui est un rempart contre les extrémistes. Je veux que tous les Français participent à l’essor économique du pays quelles que soient l’origine ethnique, la religion et les conditions sociales. Je souhaite restaurer la confiance en nous. Je veux qu’on utilise l’énergie et le dynamisme de notre pays que j’aime profondément. Cela résume les valeurs que mes parents m’ont inculquées.

P.T. Selon vous, quelles sont les compétences et qualifications acquises au cours de votre parcours professionnel pouvant faire de vous le prochain chef d’État français?

P.L. Je suis la preuve incarnée de l’ascension républicaine et de cette promesse oubliée de notre contrat social. Lorsque l’on observe les candidats actuels, je suis le seul qui évolue dans un milieu dont je ne suis pas issu soit par l’héritage ou la naissance. Cela me donne une vision très concrète et pragmatique des problèmes actuels. Les talents émergents des quartiers populaires et des zones rurales doivent être pris en compte. Nous devons donner l’espoir aux jeunes issus de la diversité pour qu’ils croient à la méritocratie française. L’UMP déçoit sur les questions de la diversité ou ce parti en est encore à ses balbutiements sur ce point. Nicolas Sarkozy devait les porter et les a conduites dans une impasse. L’ensemble des promesses faites concernant la diversité n’ont pas été tenues. Et en face, on a la gauche qui ne répond pas non plus aux attentes des minorités. J’ai aussi attendu que le PS et l’UMP proposent un projet mobilisateur sur les questions de l’égalité.

J’estime que j’offre un choix totalement différent du personnel politique habituel. Mes concitoyens pourront s’identifier à moi et à notre parti. Je sais ce que cela signifie de faire face aux a priori, au plafond de verre et aux obstacles pour se créer une place dans la société. Je connais les leviers à libérer dans les quartiers populaires pour servir notre économie. Plus tôt durant cette entrevue, j’ai fait mention de certains de mes diplômes. Je peux ajouter que je possède aussi un diplôme de l’École supérieure de commerce de Paris (ESCP) obtenu en 2001. J’enseigne en science politique sur les questions de diversité. J’ai donc plusieurs cordes à mon arc et je suis polyvalent ce qui représente définitivement des atouts et compétences pour devenir chef d’État. De plus, je suis polyglotte.

P.T. Présentez-nous les grandes lignes politiques de votre parti « Allez la France » que vous avez fondé et dites-nous en quoi votre parti offre un choix différent des autres aux Français.

P.L. « Allez la France » est une formation politique qui concourt à l’expression du suffrage universel au sens de l’article 4 de la Constitution. « Allez la France » s'engage à promouvoir le triptyque républicain, la laïcité ainsi que toutes les valeurs de la République sans oublier le développement durable par l'édification d'une république égalitaire et responsable, ce dans la vie politique économique et sociale française, européenne et mondiale. Plus précisément, notre parti est centriste et il se base sur trois grandes valeurs : l’humanisme qui est fondamentale au sein de la société française, l’économie de marché en d’autres mots, la liberté du marché et la redistribution sociale car il ne suffit pas de produire mais aussi de partager. Les partis politiques de gauche se battent contre la droite et vice versa. « Allez la France » s’occupera des Français et les défendra. Nous nous attarderons sur leurs problèmes et nous voulons les régler de manière pragmatique.

Mon programme qui sera dévoilé intégralement au cours du mois de janvier 2012 reposera ainsi sur deux piliers fondamentaux :

- des mesures à « coût nul » pour le budget de l’Etat permettant sa réduction

- des propositions abandonnant la logique uniforme des grands ensembles « qui enferment et étouffent » afin de se focaliser sur des solutions individualisées. Je propose ainsi l’abandon pur et simple du principe des ZEP (Zone d’éducation prioritaire) pour créer un statut « d’élèves à besoin éducatif prioritaire », nouvel étalon de l’allocation des ressources.

Finalement, j’invite les lecteurs à consulter ce lien : http://www.allezlafrance.org/Statuts-allez-la-france.pdf pour en savoir davantage sur notre parti.

[Le programme a été mis en ligne depuis janvier 2012 : http://www.lozes2012.fr/mon-projet-pour-la-france-de-demain/]

P.T. Pourquoi avez-vous opté pour votre campagne le slogan provocateur: « En 2012, ne votez pas blanc»? Voyez-vous la France comme une addition de communautés ou plutôt comme une grande communauté humaine?

P.L. Vous savez les Français ont le sens de l’humour. Ils saisissent parfaitement le deuxième degré que j’ai utilisé. Le message qui figurait sur l’affiche et qui appelait à s’inscrire sur les listes électorales avant le 31 décembre 2011 poursuivait un objectif très clair : faire réagir sur une question taboue. Il existe une méfiance sans précédent des quartiers populaires vis-à-vis de la politique. Ils se sentent mis à l’écart et il importe d’en parler. Lors des élections régionales de 2010, le taux d’abstention était d’environ 70% dans certains quartiers sensibles. On assiste donc à un éloignement de la politique dans les régions populaires. Cet état de fait peut anticiper toute sorte de caricature qui concerne ma candidature. On me dit parfois que je suis le candidat des minorités mais la réalité est que je suis le candidat de la majorité. J’ai souhaité faire un pied de nez en utilisant un slogan humoristique. Les seuls qui n’ont pas saisi ou qui ont refusé de comprendre sont les partisans de l’extrême droite dont je suis depuis longtemps la cible favorite. Ils ont déjà intégré le fait que je serai le candidat qui ne leur fera pas de cadeau.

Je marque le coup d’envoi d’une campagne dont les maîtres mots sont l’amour de la France et le retour de l’ascension sociale républicaine. Je pense que la France sera plus forte de sa diversité. Je veux réenclencher la dynamique de l’égalité et faire ce que disait ce grand républicain qu’était Léon Gambetta. Il expliquait que « le rôle de la République ne consiste pas seulement à décréter des égaux mais à faire des égaux ». Afin de construire ce pays, je pense que la voie du rassemblement et de la participation est beaucoup plus positive au lieu de se taper dessus. Ma candidature n’est pas celle d’une victime, je sais ce que je dois à la République. Elle a contribué à ma formation professionnelle et à mon éducation. Avec ma candidature, je veux exprimer ma confiance en nos institutions, ma volonté de contribuer au dynamisme de la République et au développement de la France.

P.T. Nous savons que la diversité est un thème important pour vous. Vous avez mentionné aux médias que la diversité était un atout considérable pour la France et un levier puissant pour la croissance économique du pays. Pouvez-vous détailler les aspects de ce thème?

P.L. Je commencerai par dire que la jeunesse et la diversité sont des atouts uniques d’une France s’inscrivant dans l’économie mondialisée. La diversité concerne des millions d’enfants qui sont au moins bilingues. Ils disposent de différents codes culturels. Ils possèdent des réseaux en France et à l’étranger. La France a tout intérêt à mieux utiliser ses compétences linguistiques et ses richesses culturelles. À cet égard, il importe d’assister à une volonté politique. L’apport que les diversités peuvent amener constitue définitivement l’un des remèdes à la crise économique. Si la diversité de la jeunesse est bien utilisée, on assistera à une grande conquête de nouveaux marchés extérieurs.

P.T. Vous avez déclaré que le PS et l’UMP n’ont pas proposé un projet mobilisateur sur les questions d’égalité. Quel serait votre programme si vous devenez président de la République française en matière d’égalité?

P.L. La question qui se pose à tous les Français et à l’ensemble des responsables politiques est de quelle manière la diversité du pays pourra être mobilisée pour participer à l’essor et au redressement économique du pays. L’égalité n’est pas uniquement de la rhétorique. Elle est une courroie de transmission qui a pour vocation de faire redémarrer l’économie. Je pense que pour parvenir à cette égalité, il faut favoriser une meilleure diffusion de l’information sur les dispositifs économiques existants notamment en matière de création d’emplois sur une base territoriale. Ces renseignements doivent être accessibles aux quartiers, aux réseaux sociaux via entre autres Internet, etc. Il faut mettre en avant les réussites locales qui serviront de modèles d’identification positive. Tous les Français ainsi que ceux provenant des quartiers populaires découvriront ces personnalités. Ceci permettra aux concitoyens de saisir que les gens issus de la diaspora sont des vecteurs de la croissance économique du pays. Je crois que de cette façon on parviendra à l’égalité. Cela donnera également la possibilité à ceux désirant mettre sur pied des projets ou de créer des entreprises d’avoir accès à un réseau plus large et d’être appuyés sur le long terme.

La France a investi en formant des étudiants qui lorsqu’ils ne voient pas de débouchés ici, finissent par aller ailleurs, en Angleterre ou en Amérique par exemple où leurs compétences sont reconnues sans s’arrêter à leurs noms de famille, origines, faciès, etc. On voit ainsi que la discrimination à un coût économique. Je n’entends pas ce discours d’intégration concrète au sein du parti socialiste ou de l’UMP. Je n’observe rien de cela. Ce que je remarque c’est que l’UMP instrumentalise les questions d’égalité. Cette façon de procéder aura pour conséquence de stigmatiser une partie de la société française. Il ne s’agit pas d’un discours inclusif. De l’autre côté de l’échiquier politique le PS est inaudible sur ces questions et semble chercher à ménager la chèvre et le chou dans le but de ne pas mécontenter une partie des électeurs. Je bannis aussi les vocables : « nous » et les « autres ». Nous sommes tous Français et la majorité d’entre nous participons à l’édification de notre pays pour le développement de l’essor économique, social et culturel. Je cite le grand philosophe Ernest Renan où il faisait référence au désir de vivre ensemble, à la volonté de continuer à faire valoir l'héritage qu'on a reçu indivis. Selon Renan, l'homme n'est esclave ni de sa race, ni de sa langue, ni de sa religion, ni du cours des fleuves, ni de la direction des chaînes de montagnes. Renan a écrit que la nation, comme l'individu, est l'aboutissant d'un long passé d'efforts, de sacrifices et de dévouements. Voilà le capital social sur lequel on assied une idée nationale. Posséder des gloires communes dans le passé, une volonté commune dans le présent ; avoir fait de grandes choses ensemble, vouloir en faire encore, voilà les conditions essentielles pour être un peuple. Renan a aussi écrit dans Qu'est-ce qu'une nation? (1882) qu’un pays est une grande solidarité, constituée par le sentiment des sacrifices qu'on a faits et de ceux qu'on est disposé à faire encore. C’est cela qui définit les Français.

P.T. Quelle est votre position sur le CV anonyme et les statistiques de la diversité ? Selon vous, quelles sont les autres mesures pouvant être mises sur pied en vue de faciliter l’accès au marché du travail des minorités dites visibles et autres groupes susceptibles d’être exclus tels que les handicapés?

P.L. Le CV anonyme est une avancée et non une panacée parce qu’il existe toujours un entretien de recrutement. On ne passe pas une entrevue avec une cagoule et des gants [rires]. Durant un entretien d’embauche, on n’est pas non plus devant un miroir sans tain [rires]. À un moment ou à un autre, le candidat aura à se retrouver face à un recruteur. Rendu à cette étape, le CV anonyme atteint ses limites et devient inopérant. Cependant, il demeure une avancée dans la mesure où il permet de lever quelques freins et il peut donner la possibilité à certaines personnes qui n’auraient pas eu un entretien de recrutement de l’obtenir. Il reste qu’il ne s’agit pas d’une solution miracle.

Ma position est que je ne suis pas opposé au CV anonyme mais je suis tout de même conscient que cette mesure ne répond pas à l’ensemble du problème relié au plafond de verre. Ma position sur les statistiques de la diversité est très claire. J’y suis tout à fait favorable. Comment peut-on s’attaquer à un problème si on ne connaît pas son ampleur? Comment peut-on trouver des solutions concernant la discrimination si on ignore le nombre de personnes concernées? Il est impossible d’agir dans ces circonstances. Avant de trouver un remède, il faut connaître et poser un diagnostic.

En France, nous avons un débat sur les statistiques de la diversité. Cela dénote notre capacité française à nous enferrer dans une rhétorique sans fin. Évidemment, il n’existe pas de démocratie sans débat, mais un débat sans fin n’est pas digne d’une grande démocratie. Toutefois, comme je l’ai exprimé précédemment, je suis pragmatique et nous devons trouver des réponses adaptées à la réalité de notre République. Il importe de noter que lorsque l’on interroge l’ensemble des grandes institutions françaises, elles sont favorables à l’utilisation de ces statistiques dans la lutte contre la discrimination. Pour éviter les risques pouvant se présenter par rapport à ces données, j’ai toujours proposé quatre critères : 1) ces statistiques doivent être anonymes 2) auto-déclaratives 3) volontaires et 4) sans création de fichiers où il y aurait une compilation suite à une enquête.

Concernant le dernier critère, aucune donnée nominative ne devra être conservée. Les gens doivent se sentir libres de répondre au questionnaire. Si l’ensemble de ces principes est respecté, cela nous donnera un outil de connaissances de l’état de la situation et de la portée des discriminations dans notre pays. Cela constituera un instrument indispensable. Il est nécessaire de mettre en vigueur un bilan chiffré des discriminations pour établir une égalité réelle et non théorique parmi les citoyens français. Ceci visait à rétablir une égalité réelle et non théorique parmi les citoyens français. Il y a aujourd’hui 9 millions de Français venus du monde entier au cours des dernières générations : des pays européens voisins, du Maghreb, d’Afrique noire et de Madagascar, d’Asie, etc. Nous devons avoir une idée juste de leur situation pour créer un plan d’action. Au début de la campagne présidentielle, je veux que ce sujet soit remis à l’ordre du jour et discuté.

P.T. Vous avez fait part qu’il faudra agir avec prudence concernant les statistiques de la diversité. On n’en parle pas ouvertement mais il existe des pratiques occultes où des entreprises par exemple font leurs propres classifications.

P.L. Absolument! Cela a lieu dans des entreprises, dans le domaine du logement et même en politique où l’on voit les partis politiques donner des chiffres sur l’évolution de la diversité au sein des élus. Cela signifie qu’à un moment ou un autre des gens ont été classifiés et mis à l’écart. Il existe un plafond de verre également au niveau des genres. Nous n'avons pas encore vu une présidente de la république. On va espérer qu’il y aura une évolution. À propos des autres mesures à mettre en œuvre pour contrer la discrimination sur le marché du travail (en ce qui a trait aux différents groupes de personnes que vous avez nommés) il y a la politique antidiscriminatoire qui sanctionne les comportements jugés inappropriés. Il existe deux grands types de politique antidiscriminatoire pouvant être mis sur pied: la première consiste à sanctionner les comportements discriminatoires. Malheureusement, la justice française en est encore à ses balbutiements. Elle n’a pas été très active en la matière jusqu’à présent. Par contre, il y a eu une modification favorable où à titre d’exemple, l’entreprise doit prouver qu’elle n’a pas exercé la discrimination. En d’autres mots, le fardeau de la preuve appartient au défendeur et non au plaignant. Il y a toujours peu de procès et d’autres n’aboutissent pas. Notre jurisprudence parle d’elle-même. La magistrature est timide pour se positionner sur ces questions et pour prononcer des peines exemplaires ou dissuasives sur les dossiers de discrimination. Le deuxième type de politique est l’action politique qu’on appelle l’affirmative action.

P.T. Que pensez-vous précisément de l’action positive ? Vous venez d’effleurer ce sujet avec la question précédente. Certains croient qu’on ne peut calquer le modèle américain sur les problèmes d’intégration en France. Quelle est votre position ?

P.L. Je suis français et je crois qu’aucun pays n’a à copier sur les autres. Les États-Unis n’ont pas à copier la France et vice versa. Je ne suis pas un prosélyte du mimétisme. En matière d’égalité, chaque pays suit sa trajectoire. L’action positive qu’on appelle affirmative action aux États-Unis crée des dispositifs permettant de mettre fin à l’absence de diversité que l’on voit au sein de plusieurs instances : politique, économique, sociale, etc. La nature de ces dispositifs doit faire l’objet d’un grand débat national. Je suis tout à fait favorable à cela.

À mon avis, l’action positive ne peut être traitée séparément des statistiques de la diversité dont nous avons parlé précédemment. Cela suit la même logique. On ne peut mettre en place un mécanisme d’action positive si on n’a pu démontrer au préalable la discrimination avec des statistiques. Une fois qu’on a pu expliquer à l’opinion publique qu’il existe des discriminations avec des chiffres à l’appui, il est possible d’établir des politiques publiques qui luttent contre ces iniquités heurtant les valeurs humanitaires de notre pays. C’est ainsi que les choses doivent se passer. Par conséquent, ma position est très claire. Il est inacceptable que certains de nos concitoyens n’aient pas accès à la méritocratie. Personne ne demande de bénéficier du népotisme, de privilèges ou de faveurs pour les gens victimes de discrimination, les handicapés, les femmes, etc. Nous voulons que l’action positive permette aux gens talentueux d’émerger.

P.T. Si vous accédez à la magistrature suprême de la France en 2012, quelles seront vos priorités en ce qui a trait aux départements et régions d’outre-mer ?

P.L. J’étais à la Guadeloupe et en Martinique il y a quelques semaines. J’ai ainsi pris le pouls et le temps de me rendre sur le terrain. Je n’ai pas une vision superficielle des enjeux dans les Antilles françaises. Certes, j’ai été aux départements d’outre-mer pour y chercher les précieuses signatures d’élus nécessaires à toute candidature à la présidentielle, et de ce point de vue, je m’en réjouis mais je m’y suis aussi rendu parce que les problématiques et les spécificités de ces départements sont au centre des préoccupations que je défends dans la campagne : l’emploi et l’éducation.

Mes priorités passent par la mise en place de l’action positive à la française qui viserait à compenser les discriminations et à rétablir une égalité républicaine dans les départements et régions d’outre-mer. Il importe de mettre en place un plan de lutte contre les discriminations notamment sur le plan économique aux Antilles françaises. Par exemple, au deuxième trimestre de l’année 2010, le taux de chômage en Martinique s’élevait à 21%. Il n’est pas non plus acceptable que le chômage des jeunes de 15 à 24 ans soit d’environ 56 % à la Guadeloupe, c’est-à-dire le plus élevé de l'ensemble des départements français.

On retrouve un fort taux de chômage dans plusieurs départements et régions d’outre-mer. On ne doit pas oublier qu’à l’outre-mer il ne s’agit pas d’une minorité visible mais d’une majorité visible qui est en même temps une minorité au sens politique. La question de minorité et de majorité a peu avoir avec l’aspect numérique. Cela concerne plutôt le poids ou le pouvoir politique et économique. De plus, il ne faudra pas tout simplement s’arrêter aux subventions accordées suite aux dernières grèves en Guadeloupe et en Martinique.

Pour porter un regard vers l’avenir, il importera de mettre sur pied une agence économique qui aura pour vocation de favoriser la création d’emplois au sein des populations en outre-mer et aussi en métropole. Je ne vois pas beaucoup de candidats actuellement qui évoquent la situation en outre-mer. Lorsque j’ai rencontré aux Antilles des élus, des responsables syndicaux et ainsi de suite, ils m’ont tous fait part de leur désarroi face à l’abandon. Ils constatent que les responsables politiques ne les découvrent que très tardivement et de manière superficielle. Leur impression est qu’ils apparaissent lorsque le moment de chercher quelques voix survient. Par exemple, quelques mois avant le décès d’Aimé Césaire, on a assisté à un pèlerinage de tous les responsables politiques. Maintenant qu’Aimé Césaire n’est plus, il y a des politiciens martiniquais qui se demandent si certains responsables politiques omettront tout simplement de faire une visite chez eux pour discuter des questions qui les concernent. Il existe de réelles questions portant sur l’égalité et la mémoire sur laquelle je travaillerai et j’appelle l’ensemble de mes concurrents à l’élection présidentielle pour se pencher sur ces points. L’élection présidentielle de 2012 devra ainsi être l’occasion de tirer collectivement les leçons de notre aveuglement sur la situation en outre-mer et de lancer une réflexion d'ensemble sur ces territoires.

P.T. Quelle est votre opinion sur la politique étrangère française notamment en ce qui concerne la Libye et la Côte d’Ivoire?

P.L. Je pense à tous nos soldats qui sont morts à l’étranger pour nos valeurs. Il y a eu environ 76 morts en Afghanistan. Tant que nous aurons des soldats qui se battent, je saluerai leurs actions. Je refuserai de rentrer dans les polémiques. Je tiens à rappeler que de nombreux Français originaires du Maghreb et de l’Afrique subsaharienne ont défendu la France. Nos soldats se sont rendus en Libye et en Côte d’Ivoire en défendant notre pays tout comme leurs parents l’ont fait en 14-18 ou en 39-45. Cependant, sur la question spécifique de la Libye et de la Côte d’Ivoire, je pense qu’il est de l’honneur de la France de laisser les Africains s’occuper de leurs affaires. De plus, il m’apparaît important que la France cesse de se mêler de politique intérieure en Afrique, de mettre sa main dans des rouages ne la concernant pas. Je ne crois pas par exemple que nos concitoyens français seraient heureux de voir la Côte d’Ivoire se mêler des affaires militaires françaises. Nos compatriotes ne seraient pas non plus contents de voir les Libyens se mêler des dossiers français. Je pense donc que la réciprocité est de mise. Je suis très surpris de l’immixtion de la France au sujet de la Libye. La question de la discrimination me touche dans ce dossier. Je suis étonné qu’on s’en soit pris aux habitants pour la simple raison qu’ils avaient la peau noire. Des exactions ont été commises au moment où l’on défendait la liberté. Je demande que toute la lumière soit faite sur les Libyens noirs et sur ce qui a mené à la mort du colonel Kadhafi. Nous avons des responsables politiques français issus de la diversité dont des Maghrébins qui questionnent également ces points. Ils veulent des réponses sur l’intervention française en Libye et en Côte d’Ivoire. Pour ce qui est de la Côte d’Ivoire, l’implication française a abouti à des voies de fait. Les citoyens ivoiriens et libyens ne doivent pas croire qu’un pays étranger quel qu’il soit ait tous les droits sur leurs territoires.

P.T. Candidat: Et pourquoi pas? est votre dernier livre. Quel message principal avez-vous souhaité livrer aux lecteurs de votre ouvrage?

P.L. Je veux que les lecteurs saisissent qu’il y a de l’espoir. Dans le cadre des élections présidentielles, je souhaite livrer un message positif de prise de conscience, de responsabilité sur nos atouts collectifs. C’est ce que j’ai voulu dire dans cet ouvrage. Je crois beaucoup à la rigueur des convictions. J’ai proposé un projet politique réfléchi. Actuellement, il existe une nouvelle manière de servir nos concitoyens et je crois fermement que ceux-ci ont les atouts pour rendre notre pays plus grand et plus fort.

Dans mon livre, j’assure que ma candidature n’est pas un simple tour de piste pour monnayer un maroquin. La France est divisée et amputée d'une partie de son dynamisme. Elle subit des tensions croissantes, entre idées reçues, fantasmes sur la peur de l'autre et angoisses du changement.

À contre-courant de la pensée dominante, je défends le formidable potentiel économique, culturel et humain que représentent les Français " différents ", les Noirs, les Arabes et les Asiatiques, aujourd'hui abandonnés aux discours démagogiques et archaïques.

P.T. Présentez-nous votre programme en lien avec les matières suivantes :

P.T. La Santé

P.L. Avec notre budget, je crois qu’on peut faire davantage en dépensant moins, en coupant par exemple dans la bureaucratie et en mettant plus d’argent sur le terrain dans le secteur de la santé. Concernant l’assurance-maladie, je veux que l’on relance l’objectif national c’est-à-dire qu’il importera d’instaurer un mécanisme qui interdira les fraudes concernant la couverture de cette assurance. Il faut aussi que les liens entre le monde pharmaceutique et médical soient modifiés. Je suis le seul à demander que l’on déconditionne les médicaments dans les pharmacies (comme cela se fait dans d’autres pays occidentaux) qui délivreront uniquement la quantité exacte des pilules prescrites. Vos lecteurs doivent savoir qu’en France on a des boîtes de plus en plus grandes. Ceci crée une perte énorme, en d’autres mots un vrai gaspillage de médicaments. Cette somme dépensée pourrait servir aux autres secteurs prioritaires en matière de santé.  

Je souhaite aussi que l’on instaure une taxe sur les produits comportant plus de 2.3% d’acide gras. J’aimerais qu’on interdise la publicité sur les boissons hautement caloriques et les aliments gras à la radio ainsi qu’à la télévision. Il y a beaucoup de propositions à faire dans le domaine de la santé. Je rendrai public plus en détail mon programme au mois de janvier. Maintenant, je vous donne quelques mesures extraites de mon programme à venir qui ira jusqu’à s’attarder sur la distribution et le gaspillage dans nos pharmacies.

P.T. L’Éducation

P.L. La France consacre 3,9% de son PIB à l’éducation. Il s’agit du premier budget de la nation et d’une priorité majeure pour les quartiers populaires qui passe avant l’emploi et l’insertion économique. Je crois fermement que l’école est un levier essentiel de tout dispositif visant à parvenir à l’égalité pour les générations montantes. Je veux que l’on mette en place un véritable statut d’élève éducatif prioritaire. Cela signifie qu’il existe des enfants en difficulté et qui doivent être aidés pour faire leurs devoirs par exemple. La dotation aux établissements doit se faire selon le nombre d’élèves nécessitant de l’aide. Les zones d’éducation prioritaire doivent être supprimées car elles ne sont plus efficaces aujourd’hui. Il faut que les enseignants expérimentés soient affectés aux écoles ayant un fort taux d’élèves nécessitant de l’aide tout motivant les professeurs grâce à des augmentations de primes et de salaires. Je propose ainsi le déploiement d'un service public national de transport scolaire organisé pour promouvoir la mixité au sein des établissements.

Toujours dans le domaine de l’éducation, il est inadmissible, en 2011, que des écoles, des collèges ou des lycées entiers ne soient composés en quasi intégralité uniquement d’élèves qui sont d’une couleur de peau ou d’une autre couleur. Il est inacceptable que les différences ethniques et sociales soient corrélées à celles de la qualité des enseignements et des moyens. 78.4 % des élèves provenant des catégories favorisées obtiennent un baccalauréat général contre seulement 18 % des élèves d’origine défavorisée. Vu que la ségrégation ethnique et sociale est également géographique, je suggère le déploiement d’un service public national de transport scolaire organisé afin de promouvoir la mixité au sein des établissements scolaires. La dotation des établissements doit ainsi être affectée selon des critères mixtes, à la fois géographiques et en fonction des élèves nécessitant de de l’aide comme je l’ai mentionné précédemment. Finalement, il ne faut pas omettre de s’attaquer aux difficultés dans l’apprentissage du français, élément fondamental de l’inclusion au sein de la société.

P.T. Le Logement

P.L. En ce qui concerne le logement, je propose plusieurs mesures. Pour commencer, je pense que les logements sociaux devraient être interdits aux locataires qui ont un revenu élevé. Il y a des gens qui avaient un revenu très modeste lorsqu’ils ont emménagé dans ces lieux mais avec les années leurs salaires ont augmenté et ce n’est plus justifié qu’ils demeurent dans ces logements. Il faut donc mettre en place un mécanisme de régulation pour que ces situations ne se produisent plus. Les loyers doivent être davantage encadrés lors de la relocation car il existe aussi des abus à ce niveau où l’on constate des augmentations élevées. Les pénalités devraient être redoublées en cas de non-respect de la loi SRU (la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains) élaborée autour de trois critères : l’exigence de la solidarité, le développement durable ainsi que le renforcement de la démocratie et la décentralisation. De manière spécifique, je pense que les communes qui refusent de construire des logements sociaux (en vertu de la loi SRU) devraient être mises sous tutelle.

P.T. L’Économie (notamment la dette publique française)

P.L. Pour moi, la question de la dette se rapporte à l’emploi. Je ne veux pas de récession pour notre pays. On dit qu’une politique de réduction de la dette est requise. Il y a une part de vérité à ce sujet mais cela ne peut être fait sans une croissance économique via la création d’emplois (en France et à l’étranger) sinon il s’agit d’un leurre. Ce genre de situation occasionne une récession. La politique d’austérité mise en place aujourd’hui par le gouvernement ne fera que nous amener à une récession qui a d’ailleurs déjà débuté. On doit avoir une spirale positive et non négative. Toujours concernant la création d’emplois, une convention doit être conclue entre le secteur bancaire et le secrétaire d’État au commerce extérieur afin d’aider les Français (issus des quartiers populaires et des zones rurales) à conquérir des marchés dans les pays où leurs parents ou eux-mêmes ont des liens. Ceci permettra de gagner des marchés à l’étranger.

On doit aussi travailler sur la dotation en termes de capital social. Il faut mettre en place un fonds d’investissement orienté vers le financement des entreprises créées dans les quartiers populaires. On a vraiment intérêt à profiter des avantages énormes que peuvent donner les diverses diasporas avec leurs réseaux diversifiés et leurs habiletés linguistiques. Une cellule peut être mise sur pied où l’on retrouverait des Français ayant des compétences économiques pour renforcer les missions économiques dans les différentes ambassades. Plusieurs pays le font dont le Canada et les États-Unis qui regardent leurs liens avec les autres nations. Nous avons tout à fait intérêt à en faire autant.

Aux États-Unis, la question de la diversité économique est centralisée par le MBDA (Minority Business Development Agency) créé en 1969 sous la présidence républicaine de Richard Nixon [qui avait aussi signé l'ordre exécutif 11458]. Il s’agissait d’une structure qui avait pour vocation de donner de l’information et de la formation aux personnes éloignées de l’emploi. Le MBDA a connu un succès phénoménal : de 100,000 entreprises détenues par les minorités en 1969, on est passé à 4,7 millions aujourd’hui, pour un chiffre d’affaires de 495 milliards de dollars. Il s’agit d’une croissance de 343 % sur une période de 10 ans. Cela représente concrètement plus de 20 % des entreprises du pays. En France, des milliers de projets de création d’entreprises portés par des Français des minorités dites visibles ne voient jamais le jour en raison d’un manque de capital, de financement, de formation, d’information, de relations et/ou de réseaux. Par conséquent, mettre un système en place s’apparentant au MBDA pourrait être bénéfique.

J’aimerais ajouter que l’équilibre budgétaire devra être respecté. Il importera de réduire les dépenses. Il est possible de faire plus en dépensant moins. La mise en place d’un impôt sur les revenus de tous les citoyens, y compris les faibles revenus sera également importante. J’ai dit plus tôt dans cette entrevue que l’on doit utiliser l’énergie et le dynamisme de notre pays. Tous nos réservoirs de croissances économiques doivent être mobilisés. Il s’agit d’avoir une approche inclusive pour faire participer l’ensemble des citoyens de toutes origines confondues au projet collectif de la France. Les TPE et les PME doivent en faire partie car elles représentent presque 95% des entreprises du pays.

Sur le plan global, il existe un changement de paradigmes qui s’opère à l’étranger. On découvre que les valeurs matérielles ne sont pas tout. Les écarts entre les riches et les pauvres n’ont jamais été autant prononcés. Par exemple, en 1982 on ne comptait qu’environ 12 milliardaires dans le monde maintenant, il y en a plus de 1200. Quoi qu’on en dise, on est dans une économie qui avantage certains. Les inégalités sont devenues totalement inacceptables. Une régulation est nécessaire et je crois que les responsables politiques doivent avoir le rôle d’éviter des dérapages. Le monde ne peut pas continuer à être dirigé par des multinationales et des établissements bancaires qui n’ont ni foi ni loi. Je ne suis pas partisan de la politique du renard libre dans un poulailler libre [rires]. La fonction du responsable politique est de réguler l’économie et de protéger les citoyens les plus faibles tout en favorisant le développement d’une économie de marché raisonnable. Les relations internationales doivent être repensées et l’économie s’inscrit tout à fait dans ce schème. Les programmes d’ajustement structurel doivent être aussi repensés car ils créent malheureusement des conséquences sociales sérieuses pour les populations concernées notamment en raison de la dévaluation monétaire. Le FMI a lui-même reconnu certaines erreurs dans sa politique et a amorcé des réformes. En d’autres mots, je m’interroge sur la mondialisation, la crise, l’austérité et la récession. C’est tout à fait dans cette perspective que j’inscris ma candidature à l’élection présidentielle française.

P.T. L’Emploi

P.L. Comme je l’ai mentionné, je crois fermement que l’emploi réduira le chômage dans le pays et amènera plus de croissance tout en diminuant la dette. Je souhaite la création d’une agence nationale de la diversité de l’emploi visant le développement des activités économiques concernant les talents émergents. Cette agence s’adressera en priorité aux jeunes des quartiers populaires et des zones rurales ayant des revenus modestes mais qui ont un projet entrepreneurial. Il s'agira ni plus ni moins de libérer des énergies que notre pays s'évertue à étouffer.

Lorsque je suis sur le terrain, j’observe l’émergence de nombreux projets qui n’aboutissent pas parce que les financements ne viennent pas. Selon un sondage de l'institut CSA de 2009, 49 % des Français issus des minorités dites visibles ont mentionné avoir envisagé de créer leur entreprise. Ce chiffre grimpe à 59 % chez les moins de 30 ans. Ainsi, je souhaite fortement qu’aucun établissement bancaire ne puisse désormais refuser un financement sans le motiver. Il faudra qu’il remette au demandeur de financement un document motivant le refus du financement du projet.

J’aimerais aussi qu’un chèque de 1500 euros soit remis à tout chômeur prenant un emploi vacant. Il est anormal en France d’avoir 2 700 000 chômeurs et de voir des centaines de milliers d’emplois ne trouvant pas preneur. Plutôt que de forcer les chômeurs à prendre un emploi, il faut les inciter financièrement y compris via la formation. Il devrait y avoir une exonération de charges sociales pour toute embauche supplémentaire concernant les entreprises ayant moins de dix salariés. Il faut la création d’un décret TPE-PME que j’appelle le Small Business Act à la française. Cette mesure a permis aux États-Unis de créer des millions d’entreprises et d’emplois. Le développement de ce type de décret favorisera la création de petites sociétés via des mesures fiscales. Je souhaite aussi que l’on réserve certains marchés publics aux PME.

Concernant encore le MBDA, durant une période de 30 ans, 5 millions d’emploi ont été créés. La France est cinq fois moins grande que les États-Unis toutefois en trente ans elle peut créer un million d’emplois. Je ne vois aucun candidat qui s’attarde à la situation des gens mis à l’écart du marché du travail et qui se soucie de les ramener à l’économie. Je tiens à ce que l’on s’inspire du MBDA américain pour voir comment l’appliquer en France. C’est la création d’emploi qui apportera une solution à la crise économique et la récession.

P.T. La Réforme des retraites

P.L. Il faut avoir une réforme des retraites de nature offensive et non défensive. Il existe aujourd’hui trop d’injustice dans notre système de retraite. À titre d’exemples, je peux faire allusion aux 150 000 personnes obligées de travailler pendant 44 ans afin de prétendre à la retraite contre 41 ans pour les personnes ayant commencé à travailler à 21 ans. Ces gens ne sont pas pris en compte par la loi qui prévoit des dispositifs pour ceux qui se trouvaient sur le marché du travail de 16 à 21 ans par contre, ceux qui ont intégré le marché du travail à 21 ans faisaient partie des 150 000. On doit aussi s’attarder à leur situation.

Dans le cadre de la réforme de la retraite, il importe de tenir compte de la diversité et de la spécificité des parcours professionnels. On ne peut comparer quelqu’un qui a intégré très jeune des emplois pénibles à un autre qui aurait eu des conditions de travail plus favorables. Il faut repenser le système tout en considérant l’augmentation de l’espérance de vie. En d’autres mots, on doit trouver un équilibre entre les deux. Notre système devra s’ouvrir et la répartition devra céder plus de place à un système par capitalisation. Plus tôt, j’ai mentionné que j’étais centriste et que je souhaitais une redistribution sociale. Je tiens à ce que l’on garde notre système de répartition française ce qui signifie qu’il faut lisser l’âge légal de la retraite en France en passant de 60 à 62 ans. Il est illusoire et non raisonnable de faire croire à nos concitoyens que nous pourrons garder le même système pendant des années.

P.T. Le parquet de Paris a ouvert le 14 octobre dernier une enquête préliminaire pour abus de confiance et blanchiment à votre sujet. Nous aimerions entendre votre version des faits. En sus, quel message souhaitez-vous livrer à ceux qui ont des doutes par rapport à votre probité?

P.L. Il s’agit d’un contrôle parce que je suis candidat à la présidence de la république. Je n’ai aucun problème avec cela et d’ailleurs je ne suis pas le premier responsable politique à être contrôlé et je ne serai pas le dernier. Je suis serein et je sais qu’on ne trouvera rien. Vous avez mentionné que l’enquête a été ouverte le 14 octobre. S’il y avait déjà la moindre faute contre moi cela aurait déjà été rendu public. Il y a déjà eu une violation du secret professionnel car normalement ce type d’enquête n’est jamais publique pour préserver la présomption d’innocence. Je ne cacherai donc pas que je suis stupéfait car il est évident qu’il y a eu une fuite quelque part ce qui n’est pas dans les normes. Il y a donc eu violation.

Je suis étonné que dans notre République ce soit un journaliste Stéphane Joahny le 27 novembre dernier qui m’a informé via son article de l’existence d’une demande de renseignements lancée en septembre ou en octobre. J’ai tenu à prouver ma bonne foi au journaliste du Journal du Dimanche en lui montrant moi-même les documents relatifs à mes anciennes activités à la tête du CRAN ou à mes activités professionnelles, lui permettant ainsi de développer son article. L’article en question comporte plusieurs erreurs reconnues a posteriori par son auteur - dans lequel il ressortait que je serais visé par une enquête préliminaire.

Dans mes fonctions actuelles et passées, j’ai toujours tenu à faire preuve d’une transparence absolue quant à mes revenus et au financement de mes activités. Je n’ai pas été informé de l’enquête et ce, jusqu’à maintenant. Je soupçonne que cette fuite provient du Parquet ou de la Chancellerie et il faut que l’on sache ce qui en est exactement. Je ne suis pas le seul à m’interroger, je reçois d’ailleurs de nombreux messages de personnes qui se demandent pourquoi cette histoire surgit juste après l’officialisation de ma candidature. Plus précisément, cette histoire est arrivée au grand jour après ma présence au salon des maires (qui a eu lieu le 22 et 23 novembre dernier) où j’ai exposé mon point de vue sur l’économie et l’éducation. Cela avait été très bien reçu et curieusement environ quatre jours après, la fameuse nouvelle est apparue au Journal du Dimanche.

Je tiens à mentionner que l’une de mes propositions phares est l’assainissement de la vie publique. Ma première décision en tant que président de la république sera l’adoption de mesures fortes pour cet assainissement. En d’autres mots, je souhaite que les gens condamnés pour une mauvaise gestion de l’argent public soient inéligibles à perpétuité. Je veux également la fin du cumul des mandats : pour tous les élus, un mandat renouvelable une seule fois. Les dépenses des ministères et des administrations centrales doivent être publiées. Une indépendance totale de la justice par rapport au pouvoir politique ainsi que la création d’une cellule anti-corruption s’imposent également. Par conséquent, je tiens à ces principes d’intégrité qui s’appliquent autant qu’à moi et à autrui.

Pour revenir à ma situation, je n’ai pas pris la décision d’engager ma candidature à une élection majeure à la légère. Je sais l’exemplarité que cela suppose mais je ne suis pas non plus naïf. Je n’ai pas hésité aussi à faire valoir mes droits. J’ai donc immédiatement demandé à mon avocat de saisir le procureur de la République afin d’être lavé de tout soupçon sans délai et de manière définitive. Je souhaite donc que les doutes soient levés rapidement afin de me permette de me consacrer de nouveau entièrement à mon action au service des français.

P.T. Quel est votre mot de la fin?

P.L. Je veux dire que ma candidature s’oppose radicalement aux propositions de madame Le Pen qui est sur une ligne souverainiste où s’aligne une grande partie de la classe politique. Je souhaite être la voie qui indique qu’une autre peut exister en France. Je veux l’intégration européenne afin que notre pays devienne plus grand et fort. Madame Le Pen appellera cela de la mondialisation. En ce qui me concerne, sa voie est fausse. Aujourd’hui, le monde change irrémédiablement où l’on retrouve des économies que l’on avait mises sur les têtes asiatiques et africaines. Maintenant, ces économies se lèvent. Il est illusoire de vouloir démondialiser. Au contraire, il faut apprendre à travailler avec ces économies. Il est capital que la France devienne un moteur de l’Europe et qu’elle s’inscrive dans la mondialisation. Il n’est qu’à l’avantage de notre pays d’utiliser l’ensemble de ses compétences notamment linguistiques avec leurs réseaux adaptables. Pourquoi ne pas tirer avantage de nos liens historique avec le Vietnam pour permettre aux entreprises françaises d’y être plus performantes ? Les Chinois arrivent à s’implanter en Afrique. Pourquoi nos diasporas ne font pas de même? Ses atouts ne peuvent qu’apporter un avenir florissant et brillant à la France. Je suis un partisan de la valorisation du dynamisme de nos Français originaires d’Asie, etc. Ceci créerait des gisements de croissance considérable en développant davantage le marché extérieur.

J’estime que la question d’égalité a disparu du spectre politique ainsi que la délicate question de la condition des minorités. Une politique d’intégration réelle repose sur des actions et des actes pragmatiques visant à lever les obstacles structurels. Je compte ainsi remettre ces thèmes au grand jour durant la campagne présidentielle car ils doivent se trouver au cœur de la réflexion démocratique. Notre parti construit des propositions à l’intérieur de sept grands thèmes : économie (incluant le pouvoir d’achat) et emploi, éducation, le système social, logement, lutte contre les discriminations, mesures spécifiques pour les quartiers populaires en difficulté, éthique en politique. Nous entendons apporter des réponses à ces maux. Dans le cadre de la campagne électorale, je veux proposer un projet rassembleur et constructif. Au lieu d’exclure les Français venus de l’étranger, il est plus astucieux de favoriser la diversité de la société française et la participation effective des minorités à l’essor du pays. Si on n’inclut pas aujourd’hui les Français qui viennent des ex-colonies, on sera contraint de toute façon de le faire demain, moyennant un coût humain et financier beaucoup plus important. Je ne veux pas attendre que la question devienne impossible à gérer, je souhaite que nous soyons responsables. Je veux en finir avec ces grands plans basés uniquement sur la rhétorique et pas sur la concrétisation. Mon parcours professionnel démontre l’existence de la méritocratie sociale française dont j’aimerais que cela devienne une réalité pour l’ensemble des enfants de la France. Mon programme créera de l’emploi. Je souhaite que la France redevienne un pays d’entrepreneurs. Mon programme est anti-dettes et anti-déficits. Je veux mettre fin au gâchis de l’argent public. Je souhaite prouver que l’amour de ce pays et de ses valeurs en tant que patriote n’est le monopole de personne.  Je désire apporter les principes qui sont les miens dans cette élection. Je souhaite être le candidat d’une France réconciliée entre ses citoyens. Je marque ainsi le coup d’envoi d’une campagne dont les maîtres mots sont l’amour de la France et le retour de l’ascension sociale républicaine.

P.T. Je vous remercie pour cette très intéressante entrevue.

Site officiel : www.lozes2012.fr

Œuvres de Patrick Lozès :

• Patrick Lozès, Nous, les Noirs de France, Paris, éditions Danger public, 2007, 206 p. (ISBN 978-2-35123-131-9)

• Patrick Lozès, Les Noirs sont-ils des Français à part entière?, Paris, éditions Larousse, 2009, 150 p. (ISBN 978-2-03-584530-6)

• Patrick Lozès, Candidat: Et pourquoi pas?, 2011, 180 p., (ISBN-10: 2354171293)