Accueil Entrevues Un entretien avec l’auteur à succès: Ellis Cose
Un entretien avec l’auteur à succès: Ellis Cose PDF Print E-mail
Written by Reniqua Allen/Uptown Magazine   
Sunday, 15 April 2012 15:05

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Lorsque l’éditeur/rédacteur associé du magazine Newsweek, Ellis Cose a sorti son livre novateur, The Rage of A Privileged Class :  Why Are Middle-Class Blacks Angry 1 en 1993, cela a choqué plusieurs Américains qui apprenaient que les Afro-Américains en pleine ascension sociale étaient frustrés, mécontents et réellement en colère contre le système qui leur a donné accès aux diplômes universitaires, aux grandes propriétés et voitures, à l’accession à la classe moyenne. Au-delà de cinquante années, Cose croit que le progrès racial a permis aux Noirs de ne plus être en colère et d’avoir adopté une nouvelle attitude—l’optimisme.  Dans son livre, The End of Anger:  A New Generation’s Take on Race and Rage 2, Cose conjecture que les Noirs, notamment ceux de la plus jeune génération se sont défaits des anciennes idées concernant la race et ont remplacé la colère par l’optimisme.  Reniqua Allen pour le Magazine UPTOWN a parlé à Cose en juin dernier pour saisir comment les attitudes raciales ont changé en Amérique.

RENIQUA ALLEN S'ADRESSE À ELLIS COSE:

RA: Plusieurs rapports sont apparus démontrant que l’Amérique Noire n’est pas réellement prospère. On n’a été le plus touché par la récession, les pourcentages en éducation décroissent, les taux d’incarcération sont toujours élevés et les gens appartenant à la classe moyenne peinent. Pourquoi sommes-nous toujours optimistes?

EC : Je crois qu’en dépit du fait que les Afro-Américains vivent réellement l’enfer de la présente récession, de nombreux frères se disent hé, quelque chose de vraiment fondamental a changé à propos de ce que cela signifie d’être Noirs en Amérique, et cela donne aux gens un certain espoir. Lorsque j’ai écrit Rage of a Privileged Class, ce que j’entendais constamment était quels que soient l’école fréquentée, l’effort et la diligence consacrés au travail, les compétences, cela importait peu car on n’arrivera jamais à briser le plafond de verre.

Quinze années plus tard, nous n’avons pas un grand nombre de Noirs mais quelques-uns qui ont eu une ascension au sommet suprême de la pyramide des grandes entreprises américaines. Puis, bien entendu il y a eu le grand événement de la candidature d’Obama et de sa présidence. En arrivant dans notre pays il y a une vingtaine d’années, une chose que l’on savait si on ne connaissait rien d’autre, était qu’un Noir ne pouvait devenir président. Je ne crois pas que la colère ait disparu. Je pense qu’il y a un certain nombre de personnes qui sont toujours fâchées par rapport aux circonstances. Je ne pense pas que ce soit au même niveau viscéral qu’auparavant.

RA: Y-a-t-il un danger concernant cet espoir et optimisme?

EC: Je pense qu’il y a un danger en étant excessivement optimiste, mais je crois qu’il y a aussi un danger en étant trop pessimiste. Je pense que le défi de la prochaine génération est de trouver un équilibre. Je pense que pour cette génération, cela a du sens qu’elle dise je ne vois pas un plafond de verre. Étant donné qu’ils ne voient pas un plafond de verre cela signifie qu’ils pourront par essence atteindre n’importe quel objectif visé. Certains ne réaliseront pas leurs objectifs, et plusieurs regarderont en arrière et diront que la race devait être la cause de ne pas avoir atteint le but visé. Je pense que nous sommes dans une société en processus de saisir comment s’y prendre avec cela et je crois qu’en tant qu’Afro-Américains nous voyons comment tirer des leçons des générations passées en les appliquant aux générations actuelles.

RA: En quoi l’âge a une influence sur ses croyances liées à la race?

EC: Au fur et à mesure que j’ai consulté les données en les comparant aux différents groups, un élément qui ressortait a été que les gens âgés de moins de quarante ans et ceux de plus de quarante ans avaient une vision très différentes de certaines problématiques. La plus vieille génération est davantage portée à dire « oui, il y avait un plafond de verre », « non, je ne suis pas perçu de la même façon que mes pairs blancs, « oui, j’ai été victime de discrimination », « oui, cela a affecté ma performance au travail ». La plus jeune génération est beaucoup moins portée à répondre oui à l’ensemble de ces questions. Mais, lorsque j’ai regardé les questions qui disent « devez-vous faire face à la discrimination en ce monde », en termes de se faire suivre par la police, ne pas être capable d’avoir un taxi, ne pas être traité avec respect par les propriétaires des magasins, etcetera, etcetera, leurs réponses sont identiques à la plus vieille génération. Alors, on a une génération d’une part, qui dit, oui il y a toujours du racisme, la discrimination existe encore, mais d’autre part, en termes de ce que cela signifie pour moi en tant qu’Afro-Américain sur le marché du travail, je pense que je peux faire face à cela, je pense que je peux surmonter n’importe quel obstacle perçu par mes parents comme étant un plafond de verre.

RA: Alors, personne ne dit qu’on n’a plus à tenir compte de la race?

EC: Je n’ai pas encore rencontré un Afro-Américain qui dit que nous sommes dans une société post-raciale. Certainement pas les répondants de mes entrevues et je n’affirme pas cela non plus. Ce que je dis c’est que pour cette génération, la race est vécue en quelque sorte de manière fondamentalement différente de la précédente.

RA: Récemment, un animateur d’une émission diffusée sur le câble a fait une référence en lien avec le Président comme « prenant quelques bouteilles de bière de 40 onces » lorsqu’il buvait 16 onces de la bière Guinness à un pub irlandais. Ce genre de commentaires n’est pas une anomalie. Les médias et les autres organisations politiques comme le Tea Party semble jouer de plus en plus sur les stéréotypes en utilisant une rhétorique raciale incendiaire. Est-ce que la colère de la communauté noire s’est déplacée vers la blanche?

EC: Je crois que de nombreux Blancs sont troublés par la réalité d’une nouvelle Amérique naissante. Il y a beaucoup de Blancs qui regardent autour d’eux et disent « mon Dieu, nous avons un président Noir, nous avons un Noir procureur général des États-Unis 3, nous avons plusieurs latinos qui traversent la frontière, ce n’est pas l’Amérique dont je m’attendais à faire partie ». De plus, plusieurs sont très nerveux par rapport à cela. Et, plusieurs parmi eux sont très en colère à ce sujet. Mais, cela n’est pas surprenant, il y a de nombreux Blancs qui ont toujours été fâchés quand il y avait du progrès dans la communauté afro-américaine, parce qu’ils percevaient cela comme une menace directe d’une certaine façon.

RA: Bien que vous parlez des Noirs, vous êtes clair qu’il ne s’agit pas uniquement de l’histoire de de l’évolution de l’attitude de l’Amérique noire mais de celle des Blancs également.

EC : De plusieurs façons, je nomme la troisième génération (celle âgée de moins de quarante ans) : « celle des Blancs qui ne font pas grand cas du phénomène ». Ils reconnaissent que la race est une réalité mais plusieurs ont des relations proches et authentiques avec des Noirs et ce n’est pas un problème pour eux. Si vous êtes d’une certaine génération, que vous êtes sur le marché du travail et que vous rencontrez par hasard un homme qui croit qu’un Noir est [quelqu’un connu en tant que] « Gène nègre »; il s’agit d’une expérience très différente que vous aurez qu’avec quelqu’un qui accepte tout simplement la réalité que vous pouvez être aussi intelligent que lui.

RA: Néanmoins, dans des villes telles que New York on voit des Noirs qui se séparent socialement (c’est-à-dire une auto-ségrégation) en dépit des relations interraciales au travail. Pourquoi?

EC: Je crois que vous avez une perception du monde plus complexe. Je n’appellerais pas tout à fait cela de l’auto-ségrégation. Il y a plusieurs Noirs dont la plupart de leurs amis sont noirs et peut-être tous leurs amis le sont, et dans quelques cas ils sont probablement conscients de leur auto-ségrégation et dans d’autres cas il est tout simplement question de fréquenter des gens avec qui ils se sentent confortables. On peut aller à d’autres endroits dans la ville et voir une foule très interraciale où les gens interagissent entre eux. La société ne change pas du premier coup et nous sommes toujours de plusieurs manières très séparés.

RA: Si la colère a défini une génération de Noirs durant les années 90 et l’optimisme a défini les débuts du millénaire, quel est le mot que vous pensez définira la prochaine génération?

EC: J’aurais souhaité être assez astucieux pour le savoir. Je pense que cela dépendra beaucoup de la façon dont la société évoluera. Je crois que la tendance que nous voyons en termes de relations interraciales continuera, je pense ainsi que nous deviendrons une société plus ouverte à donner des opportunités sans tenir compte de la couleur.  Nous luttons en même temps, nous devenons une société qui est en quelque sorte moins économiquement diversifiée. Nous devenons une société où les riches sont plus riches et les pauvres sont davantage défavorisés; cela a des implications et connotations raciales. Nous devons nous questionner concernant où cela nous mènera en tant que société à moins que nous trouvons comment faire face à cela, sinon ce sera inquiétant.


[Le travail le plus récent d’Ellis Cose est The End of Anger: A New Generation’s Take on Race and Rage (Ecco, une filiale d’HarperCollins). Cet ouvrage est en vente depuis le 1er juin 2011 pour un montant de 24$99].

Cette entrevue a été publiée par www.uptownmagazine.com (1er juin 2011) et traduite en français par la rédactrice en chef de Méga Diversité, Patricia Turnier.



Cet ouvrage est disponible en anglais à www.amazon.com, .ca ou www.barnesandnoble.com 

À propos de l’auteur de cette entrevue: Madame Reniqua Allen est une talentueuse journaliste qui est doctorante à l’Université Rudgers (Newark, New Jersey). Le thème principal de sa thèse est: Les Afro-Américains de la classe moyenne et la culture populaire après 1945 et post The Cosby Show. Elle écrit à propos de plusieurs thèmes tels que la politique et la culture en se centrant sur les problématiques féminines, l’adolescence et la race. Ses travaux ont été publiés dans CosmoGirl! Le magazine Black Enterprise, Colorlines, le magazine USARiseUp, le magazine Uptown, Upscale et The NJ Bergen Record. Les autres clients incluent : Teen Vogue (écrivain/journaliste), Firelight Media, productrice sur le terrain, Black America Web (blogger), CQ-Roll Call (chercheuse de livres légaux) et Brooklyn Independent Television (productrice/écrivain). Elle était une productrice archiviste pour le film Hot Coffee diffusé sur HBO. Elle a également développé du contenu pour PBS, MSNBC, Fox News Channel, NY1 News. En outre, elle a fait de la recherche pour le Congressional Quaterly à Washington D.C. Vous pouvez la visiter à www.reniquaallen.com.

-------------------------------------------

1 Traduction littérale:  La rage d’une classe privilégiée :  Pourquoi les Noirs de la classe moyenne sont en colère

2 Traduction littérale:  La fin de la colère :  Le point de vue d’une nouvelle génération sur la race et la rage

3 Équivalent du ministre de la Justice aux États-Unis