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ENTRETIEN EXCLUSIF AVEC L’UNE DES PLUS BELLES VOIX CANADIENNES: L’ARTISTE SYLVIE DESGROSEILLIERS PDF Print E-mail
Written by Patricia Turnier   
Monday, 28 October 2024 10:00


Sylvie Desgroseilliers est née au Québec avec le nom de famille Guimont. Elle a été élevée par sa mère gaspésienne. Le père biologique de Sylvie Desgroseilliers était Guy Durosier. Madame Desgroseilliers a passé son enfance à Sept-Îles, à Québec, et ensuite sur la Rive-Sud de Montréal.

La mère de la chanteuse a rencontré un homme nommé Yves Desgroseilliers quelques années après la naissance de madame Desgroseilliers.  Il est devenu son beau-père et l’a adoptée au moment du mariage du couple.  Plus précisément, monsieur Desgroseilliers est rentrée dans sa vie quand elle avait 5 ans.  Sylvie Desgroseilliers a été adjointe-administrative pendant plusieurs années toutefois la musique a toujours représenté sa vraie passion.  Sa carrière professionnelle a commencé à la fin des années 90.  Au fait, quand elle a vu en 1993, le Montreal Jubilation Gospel Choir de l’église montréalaise St-James United Church, elle a sérieusement envisagé de ne plus continuer à travailler dans le domaine du secrétariat.  Elle a ainsi débuté sa carrière professionnelle en 1998 avec la revue musicale de Rock à l’Opéra.  Ensuite, elle a participé à l’émission québécoise Belle & Bum durant deux ans.  Après, elle a fait partie de la revue musicale Génération Motown pendant quatre ans.

Sylvie Desgroseilliers peut chanter divers genres : le Gospel, le Soul, le Blues, le Pop, le Jazz, etc. Il importe de noter que bien qu’elle n’ait pas été élevée par son père, elle a ses qualités artistiques dans ses gènes car monsieur Durosier était un chanteur haïtien reconnu, baptisé par Édith Piaf « la voix d’Haïti ». D’autres l’ont nommé le souffle puissant d’Haïti.

Il serait super que Sylvie Desgroseilliers chante le « gospel » social « Nous » en créole, français et en anglais pour son prochain album. La chanson « Nous » a été faite en l’honneur du révérend Dr Martin Luther King que le feu Dr Abernathy a nommé le guerrier le plus pacifique du 20ième siècle. « Nous » a été écrite par le père de madame Desgroseilliers en 1970 donc, après l’assassinat du Dr King qui a eu lieu le 4 avril 1968 à Memphis. On a rapporté que monsieur Durosier a obtenu l’assentiment de la famille du pasteur pour la chanter tout en lui demandant d’attendre (ce qu’il a respecté) avant de le faire afin de ne pas provoquer d’autres émeutes raciales. Un autre opus en l’honneur de King que j’adore et qui a marqué les esprits est celle de l’icônique groupe irlandais U2 « Pride in the Name Love ».  Deux vidéoclips ont été faits (par le groupe) pour cette chanson.

Sylvie Desgroseilliers a fait trois albums: Sylvie DesGroseilliers, Ensemble et Women of Soul. À 40 ans, elle a ainsi lancé en 2005 son premier album homonyme. J’étais présente lors du lancement en ignorant à cette époque que le journalisme ferait partie de mon futur. J’en ai parlé à madame Desgroseilliers durant l’étape de la pré-entrevue et nous avons bien ri lorsque je lui ai dit qu’il est certain que j’aurais écrit un article sur le lancement si j’avais compris que j’étais une journaliste à ce moment. Au fait, j’étais présente à cet événement tout simplement parce que j’adore la musique, en d’autres mots je suis une vraie mélomane.

Pour son premier CD Sylvie DesGroseilliers, la chanteuse a fait un duo d’« Amazing Grace1 » avec Gregory Charles (l’un des artistes les plus talentueux au Canada). Au fait, au courant de sa carrière madame Desgroseilliers adore interpréter « Amazing Grace », nom de l’album d’Aretha Franklin sorti en 1972. D’ailleurs, Sylvie Desgroseilliers voue une admiration sans bornes pour la reine du soul. « Ta chanson » du premier album est touchante car Sylvie Desgroseilliers chante avec l’un de ses enfants.

Dans son premier album, on entend une belle interprétation de la chanson de Boule Noire « Aimer d’amour ». Toujours concernant son premier CD « How I Got Over » est très bien écrite par Clara Ward. Cet opus a une participation spéciale avec l’harmonica joué par Normand Brathwaite. J’aimerais faire une parenthèse concernant cet homme connu au Québec. Il y a quelques années, j’attendais des copines en face d’un restaurant au centre-ville de Montréal. Monsieur Brathwaite m’a saluée (en étant seul donc sans entourage) même si on ne se connaît pas et que je ne regardais même pas dans sa direction lorsqu’il marchait. Cela m’a impressionnée car par exemple il y a certaines célébrités qui demandent à leur équipe que les figurants ne les regardent pas ou qu’ils ne soient pas dans leur champ de vision lors d’un tournage d’un film. J’ai donc compris que sa personnalité ouverte et accessible a certainement contribué à son succès professionnel ainsi qu’à sa longévité.

Dans l’album Ensemble sorti en 2009 on y retrouve un beau duo avec son père Guy Durosier. Il s’agit de la chanson « Si tu m’aimais » qui possède une sonorité jazz et fait penser au concept du duo de Natalie Cole avec son père. Par ailleurs, nous l’avons questionnée sur ce sujet dans l’entrevue ci-dessous. L’album Ensemble est éclectique, on entend du reggae, soul, hip hop. « Ne m’en veux pas » est une belle balade. La chanson « Ensemble » concerne l’immigration. Ce CD peut être écouté par des gens de tous les âges, une vraie bouffée d’oxygène.

Dans son album Ensemble, elle dédie, entre autres, son CD à ses enfants et on voit l’inspiration d’un de ses fils concernant Obama car il souhaite un jour devenir chef d’État du Canada. Avec fierté, elle lui écrit dans son album Yes you Can.  Son troisième CD Women of Soul sorti en 2016 rend hommage aux chanteuses noires des 100 dernières années qui ont créé la musique moderne. On honore les chanteuses à partir de l’époque de Joséphine Baker (qui était plus qu’une artiste, elle a été espionne pour la France afin de lutter contre le nazisme durant la Seconde Guerre mondiale) jusqu’à Whitney Houston. Ce dernier album est la résultante du spectacle « One Woman Show » qui a présenté (jusqu’à cette année) pendant deux heures entre autres des anecdotes historiques de ces femmes comme Aretha Franklin, Tina Turner, Whitney Houston, Etta James, Ella Fitzgerald, Billie Holiday et ainsi de suite.

Madame Desgroseilliers a participé à l’album Génération Motown qui contient plusieurs classiques des années 60 à 80 comme ceux de Marvin Gaye, les Supremes, Gladys Knight & the Pips, les Jackson Five. Les interprétations sont excellentes. Le CD possède une trentaine de chansons. La chanteuse a créé les enchaînements des chansons du spectacle Génération Motown et de l’album studio avec René Simard, une autre des plus belles voix au Québec.

Dans l’album Motown, « Endless Love » (un classique de Diana Ross et Lionel Richie) son interprétation est superbe, on retrouve d’autres chansons dans le CD comme « I’m coming out », « Mercy Mercy Me », « Reach Out I’ll be there », « Sexual Healing » interprétés par d’autres artistes. On y a donc chanté les succès de Marvin Gaye, Stevie Wonder, les Supremes, etc.

L’une des plus grandes cantatrices du XXe siècle, Maria Callas a dit: « lorsque la musique n’apaise pas l’oreille, le cœur et les sens, elle n’a pas atteint son objectif ». Sylvie Desgroseilliers réussit brillamment à toucher son public avec sa voix d’au moins 4 octaves. Elle possède une voix hors du commun, son art a une force attrayante et évolutive. Elle pourrait tout simplement chanter les noms d’un bottin téléphonique et ce serait vraiment beau. Sa voix est tellement superbe qu’elle n’a besoin d’aucun accompagnement vocal et/ou instrumental. Elle ne nécessite pas d’artifice pour briller. Elle peut tout chanter, même l’opéra. Elle est hors de toute étiquette vu qu’elle peut tout chanter, sa musique mondialiste détient la capacité de réunir différentes générations. La chanteuse maîtrise la technique vocale tout en transmettant beaucoup d’émotions dans son répertoire et nous fait frissonner avec sa voix sublime. Elle possède l’une des plus belles voix en Amérique du Nord.

Pour la société d’État Radio-Canada, Sylvie Desgroseilliers a écrit un texte autobiographique https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/651819/mois-histoire-noirs-sylvie-desgroseilliers. Elle a participé au Festival international de jazz de Montréal. Elle a reçu une invitation spéciale de Lynda Lemay pour chanter à l’Olympia de Paris à l’occasion de son anniversaire en septembre 2016. Cette année, la chanteuse continue son spectacle nommé Femmes de Soul (Women of Soul) où elle rend hommage aux plus grandes cantatrices noires comme Aretha Franklin, Tina Turner, Whitney Houston, Etta James, Ella Fitzgerald, Billie Holiday et ainsi de suite.

Sylvie Desgroseilliers a chanté à Ottawa pour la reine Élizabeth II à Ottawa le 13 octobre 2002 (Aretha Franklin, que Madame Desgroseilliers admire, a également chanté pour cette monarque). Il est évident qu’elle est née pour chanter. Elle a fait des prestations pour et avec les plus grandes célébrités mondiales: Patti Labelle, Ray Charles, Paul Anka, Aaron Neville et les Neville Brothers, Youssou N’Dour, Céline Dion, certains Premiers Ministres du Canada, etc.

Madame Desgroseilliers est la reine vocale haïtiano-québécoise. Quand on l’entend chanter « Amazing Grace » on ressent des frissons car sa voix est magnifique. D’ailleurs, la manière dont madame Desgroseilliers interprète « Amazing Grace » touche bien des gens. Par exemple, dans une entrevue la chanteuse a relaté que dans un hôpital la fille d’une mourante lui a demandé de chanter l’opus « Amazing Grace » à sa mère et quelques mois plus tard elle l’a interprétée à nouveau lors de ses funérailles. Cela a dû être très émouvant.

Notamment en raison du jeunisme de l’industrie de la musique commerciale, madame Desgroseilliers s’est retrouvée comme candidate à l’émission La Voix plusieurs années après avoir débuté sa carrière. Personnellement, j’ai commencé à écouter et collectionner de la musique pour les adolescents ainsi que les adultes depuis l’âge de 8 ans, alors l’âge des artistes n’a jamais eu une importance pour moi. L’âge n’a rien à voir avec le talent et la compétence. Tout le monde devrait avoir sa place. Malgré les obstacles et particulièrement l’âgisme dans l’industrie de la musique, il est possible en tant que femme de défier ces tendances comme Madonna qui a fait presqu’un demi- milliard de dollars avec sa tournée Sticky & Sweet. Elle a ainsi brisé un plafond de verre. Sylvie Desgroseilliers ne se soumet pas aux diktats reliés au jeunisme et a l’intention de poursuivre sa carrière comme elle l’entend.

En résumé, Madame Desgroseilliers a trois albums à son actif, elle a participé au Festival de Nuits d’Afrique, Festival Black & Blue à Montréal. Elle a chanté en Europe, elle a fait partie de revues musicales, etc. Mario Pelchat, l’une des plus belles voix masculines québécoises pour son CD Live de Mario Pelchat sorti en 2003, on y retrouve un duo fait avec Sylvie Desgroseillers. Il s'agit de la chanson « Proud Mary ». Depuis 2013, elle enseigne et coache le chant à l’Académie de musique Vivaldi. Sa musique intéresse les gens de tous les âges et de tout horizon. Elle a chanté pour plusieurs événements et à plusieurs endroits: on l'a vue à Télé-Québec à l'émission Belle et Bum, la comédie musicale Génération Motown (d’ailleurs, durant les dernières années, cette comédie a débuté à Broadway en 2013), etc. Elle a chanté au stade olympique de Montréal en 2006 au gala d'ouverture pour les Outgames en interprétant la chanson classique de Judy Garland « Somewhere over the Rainbow ». Il y a beaucoup de choses qu’elle peut faire comme participer aux comédies musicales de Broadway.

Madame Desgroseilliers possède d’autres cordes à son arc. Elle est une artiste bilingue. En 2019, elle est devenue la mairesse suppléante de Brossard. Elle a aussi été la conseillère municipale pour cette ville du Québec. Le parcours de cette femme est inspirant car il prouve qu’on peut faire différentes choses quel que soit son âge. Elle démontre également un intérêt à essayer de nouvelles expériences. Elle est grand-mère, l’épouse d’un ingénieur haïtien, mère, chanteuse, coach vocale, etc. Elle est fière de sa famille.

C’est avec un grand plaisir que nous vous présentons ci-dessous l’entrevue. Plusieurs thèmes ont été abordés au cours de l’entretien comme sa position sur l’utilisation de la musique par les artistes pour défendre, s’engager et/ou revendiquer les causes qui leur tiennent à cœur, l’âgisme dans l’industrie musicale, etc.

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P.T. Comment l’amour pour les arts a débuté dans votre vie? Quel est le premier album que vous avez acheté et pourquoi?

S.D. L’amour pour les arts a débuté très tôt dans ma vie peut-être même sans m’en rendre compte. J’absorbais tout ce que je voyais à la télévision. Le premier album que j’ai acheté s’appelait « Juke Box Jive ». Il s’agissait d’une compilation de chansons R&B, classic rock, etc. J’aimais la diversité qu’on retrouvait dans cet album. À l’époque, j’étais aussi une fan d’Elvis. J’ai donc acheté son album gospel. Je crois toujours avoir aimé les arts mais je ne pensais jamais en faire une carrière.

P.T. Il est intéressant que vous mentionniez l’album gospel d’Elvis. Il a été surtout connu pour ses interprétations Rock and Roll. Ce n’est que récemment que j’ai découvert ses albums gospel grâce à l’Internet et c’est très beau.

P.T. Quelle place le chant a occupé dans votre vie en tant que mère? Par exemple, vous arrivait-il de chanter à vos enfants pour les calmer ou les coucher?

S.D. Il ne m’arrivait pas d’avoir à chanter pour calmer mes enfants car ils n’étaient pas turbulents. On chantait avant de se coucher. Maintenant, en tant que grand-mère, je chante à mon petit-fils le soir avant qu’il s’endorme. On fait aussi notre prière. Ensuite, je modifie les paroles de « You are my Sunshine ». Je le fais à chaque fois, lorsqu’il vient dormir à la maison. La musique fait partie intégrante de ma vie. C’est naturel pour moi, je n’y pense même pas [rires].

P.T. Votre implication au niveau du chant, votre quête identitaire et votre foi se sont renforcés avec le Montreal Jubilation Gospel Choir. Quelle place le gospel occupe dans votre vie aujourd’hui?

S.D. Le gospel occupe toute la place dans ma vie. Dieu est présent dans mes chansons, dans ma vie et dans tout ce que je fais. Le père d’Aretha Franklin a dit que sa fille a délaissé le gospel en décidant de faire de la chanson populaire un peu plus séculaire mais le gospel n’a jamais quitté Aretha. J’en dirais autant pour moi.
Je peux tout chanter mais pas n’importe quoi. Je suis particulière dans mes choix. Il faut que les paroles fassent mon affaire. Je ne tiens pas mordicus à ce que ce soit Jesus, Jesus, Jesus mais s’il y a des paroles que je ne souhaite pas chanter, je décline tout simplement et je vis avec les conséquences de mes positions. Je l’ai d’ailleurs déjà fait. Le gospel, la chrétienté et la spiritualité font partie intégrante de ma vie. Comme on dit en anglais, Christ is king. Je vis cette phrase : « Dieu est ma lumière ». C’est Dieu qui me conduit et non les producteurs.

P.T. Vous avez parlé aux médias de l’âgisme et de la discrimination fondée sur le genre dans le domaine musical. Par exemple, j’ai trouvé très intéressant lorsque vous avez mentionné en 2015 que le public n’a aucun problème pour payer un concert des Rolling Stones, 200$. Quelles solutions voyez-vous pour contrer ce phénomène?

S.D. Merci d’avoir trouvé intéressant mon point de vue. Je ne crois pas que ce soit le public qui fait de l’âgisme, c’est surtout ceux qui produisent les spectacles. Il y a des pays où l’on perçoit les gens âgés comme des personnes ayant de l’expérience et on les respecte. En Occident, ils sont vus comme des has-been, on croit qu’il faut laisser la place aux jeunes. Je pense qu’il y a de la place pour tout le monde et tous les genres. J’ai effectivement fait la déclaration que vous avez mentionnée en 2015 mais il faut encourager les artistes locaux pour aider leur continuité. C’est très difficile aujourd’hui de se présenter avec un band. J’ai besoin de cela avec des choristes, etc. On voit la différence dans la réaction du public. La solution est de faire des spectacles hors du commun et qui sortent de la boîte habituelle. On doit aussi en mettre plein la vue pour que les gens disent oui, cela vaut la peine de payer. Des gens sont venus me voir pour me partager avoir eu l’impression de voir un show du centre Bell au balcon de l’église United Church.

P.T. Pourtant, dans la musique commerciale, on entend dans les chansons actuelles plusieurs anciens hits. Je suis d’accord avec vous que le public n’accorde pas tant d’importance à l’âge des artistes. Par exemple, en ce qui me concerne, depuis mon enfance je me fiche de l’âge des chanteurs, j’ai aimé des gens qui ne font pas nécessairement partie de ma génération. J’adore la musique de Motown et je n’étais pas née durant les années 60.
Il existe des pays qui ont des quotas afin qu’on entende les artistes de leurs pays, entre autres, à la radio. Pensez-vous que le Canada devrait faire de même?

S.D. Oui, il serait tout à fait pertinent qu’on puisse entendre les artistes de notre pays mais est-ce qu’on nous présenterait une variété? Honnêtement, j’ai beaucoup de difficultés à le croire parce que ce sont toujours les mêmes qu’on entend. Avec l’arrivée de Spotify, Apple Music et de toutes ces plateformes, cela permet aux artistes de mettre leur musique et le public devient le juge. À mon sens, je crois que c’est une bonne chose.

P.T. Plusieurs artistes canadiens ont dû se rendre à l’étranger notamment aux États-Unis pour avoir une carrière internationale: The Weeknd, Drake, Shania Twain, Avril Lavigne, Alanis Morissette, Nelly Furtado, Deborah Cox, Justin Bieber, etc. Il serait souhaitable que cela change.

P.T. Vos capacités vocales vous permettent de tout chanter. Est-ce qu’il y a un style que vous n’avez pas encore exploré et qui vous plairait d’essayer pour un prochain single ou un album? Si oui, pourquoi?

S.D. Je répondrais non, pas vraiment. Je fais ce que j’aime et selon ce dont je suis capable. Le meilleur exemple est quand Aretha Franklin a chanté « Nessun Dorma » pour remplacer Luciano Pavarotti aux Grammys vu qu’il devait subir une opération. Il fallait qu’elle prenne sa place à la dernière minute. Elle n’a pas essayé de chanter cet opéra de façon classique. Elle a tout simplement chanté à sa manière. À mon avis, sa prestation était magistrale. Cela a été historique malgré sa nervosité puisqu’elle chantait devant ses pairs. Elle a su rester elle-même. Je ne prétendrai donc pas adopter un style qui ne me convient pas ou qui ne me représente pas.

P.T. Dans une entrevue, vous avez dit que Michelle Obama est la femme pour laquelle vous aimeriez échanger de vie pendant une journée. S’il vous plaît, dites-nous pourquoi.

S.D. Il aurait fallu m’interviewer à ce moment-là. Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis. Je n’aimerais pas changer de vie pour une journée. J’aime ma vie que je souhaite exploiter au maximum.

P.T. Cela a représenté quoi pour vous la production de votre chanson « Si tu m’aimais » de votre album Ensemble? Est-ce que vous vous êtes inspirée du duo de Natalie Cole avec son père Nat King Cole pour la chanson «Unforgettable»?

S.D. « Si tu m’aimais » est une chanson de mon père biologique Guy Durosier. Effectivement, j’ai été inspirée par le duo des Cole. Mais, cela n’a pas été fait de la même façon. J’ai utilisé l’introduction de la chanson de mon père et après je l’ai adaptée à ma manière. Alors, c’est un petit peu différent.

P.T Il n’est pas trop tard, ce serait vraiment beau qu’il y ait un vidéoclip de vous et votre père comme Natalie Cole a fait.

P.T. Vous avez fait partie de la production Génération Motown. Qu’est-ce que Motown représente pour vous?

S.D. Motown représente le crossover du race music2 qu’on appelait aux États-Unis. Cela concerne la musique populaire produite par les Afro-Américains qui a eu une grande influence toujours palpable aujourd’hui. Le son Motown est unique, il est question de Soul et R&B. Il s’agit d’un son particulier. Je n’ai pas interprété beaucoup de chansons de Motown mais cela ne signifie pas que cela n’a pas d’importance pour moi.

P.T. Ce son est considéré classique et intemporel. J’adore la musique de Motown même si je n’étais pas née durant les années 60 (la période pour laquelle les groupes de cette maison de disques ont commencé à émerger) comme je l’ai mentionné précédemment.

P.T. Joséphine Baker et Whitney Houston font partie des chanteuses que vous admirez le plus. Elles représentent quoi pour vous et comment, selon vous, elles ont marqué leurs époques?

S.D. Joséphine Baker a été la première star noire internationale. En tant que pionnière, elle a brisé des barrières tout en sortant des sentiers battus. Whitney Houston était d’une grande beauté et avait une voix extraordinaire. Ces chanteuses étaient superbes pour moi. Malgré tout cela, je crois sincèrement qu’Aretha Franklin était la plus grande chanteuse des cent dernières années et selon moi, celle qui va la détrôner n’est pas encore née. Beaucoup essaient mais je pense que personne ne peut chanter comme Franklin. Malgré toutes les belles voix qui existent, je crois qu’Aretha Franklin se trouve au sommet.

P.T. Nommez-nous entre une et trois chansons que vous auriez aimée(s) avoir écrite(s) et/ou chantée(s) et faites-nous savoir pourquoi.

S.D. Je ne vois pas ce que je pourrais nommer. J’aime interpréter des chansons. Récemment, j’ai commencé à en écrire. J’apprécie en produire ainsi que la musique. J’aime trouver des gens avec qui travailler. J’aime la co-écriture et j’apprécie bien m’entourer. Je me considère maintenant une auteure-compositrice alors, je ne peux nommer des chansons que j’aurais souhaité avoir écrites.

Au fait, quand j’y pense, j’aurais souhaité avoir écrit ces chansons:

1- « Hope for me yet » (Marc Broussard)
2- « For all we know » (Donny Hathaway)
3- « Best thing that ever happened to me » (Gladys Knight and the Pips)
4- « Amazing Grace » (traditional)

J’aime « Amazing Grace » pour son côté spirituel, « Best thing that ever happened to me » parce que c’est une belle chanson d’amour. « For all we know » a été originellement interprété par Nat King Cole mais j’ai découvert cette chanson avec Donny Hathaway que j’affectionne beaucoup. « Hope for me yet » représente une autre belle chanson d’amour pour moi.

P.T. J’ai la même date d’anniversaire que Gladys Knight mais pas la même année [rires]. Vous aimez parler aux jeunes dans les écoles. Quelles sont les principales préoccupations qu’ils vous ont communiquées? Quels conseils donnez-vous à ceux qui souhaitent faire carrière dans le domaine du divertissement?

S.D. Je leur conseille de rester intègres. Je crois que chanter est un privilège et non un droit. Il ne faut jamais sous-estimer son public et il est important de donner le meilleur de soi-même quel que soit le nombre de personnes qui nous écoutent. La performance doit être de la même qualité. Il s’agit d’une question de respect et on ne sait jamais qui se trouve dans la salle.

Récemment, j’ai fait un spectacle dans une salle pouvant comprendre environ 800 personnes, il y en avait 300. Cela peut avoir l’air un peu vide mais cette expérience m’a permise d’obtenir un autre contrat grâce au bouche-à-oreille. On ne sait jamais qui nous écoute et nous regarde. On se doit donc de donner le meilleur de nous-mêmes. Il faut se trouver dans ce domaine pour les bonnes raisons aussi. Cela ne peut pas être juste pour devenir des vedettes parce que c’est éphémère. S’il s’agit de votre voie, c’est tant mieux.

P.T. Je trouve intéressant que vous conseilliez l’intégrité aux jeunes, surtout dans le domaine artistique, parce que le public le sent si l’artiste projette une fausse image. Je crois même que c’est déterminant dans la réussite ou l’échec d’un artiste.
J'ajouterais qu'avec les télé-réalités on donne l'illusion du succès instantanné aux jeunes. Je crois que les adultes ont la responsabilité de leur expliquer qu'habituellement on réussit à la suite d'efforts contstants. On dit même que ce n'est pas après au moins 10 000 heures de travail minimum qu'on peut se retrouver au sommet. Il s’agit d’un marathon et non d’une course d’ailleurs on a vu plusieurs succès éphémères quand quelqu’un arrive rapidement au faîte.
Vous donnez des cours de chant. Croyez-vous qu’une plus grande place devrait être accordée à la musique dans les écoles et qu’il faudrait avoir une plus importante accessibilité à l’art surtout lorsque divers instruments sont dispendieux?

S.D. Oui, je crois que l’art devrait être plus présent dans les écoles. Quand je pense à mon fils, à l’école il a pris des cours de guitare. En privé, il a pris des cours de piano. Vers ses 10-11 ans, il a renoué avec la guitare qu’il n’a jamais lâchée. Il est un guitariste extraordinaire.
Les cours de musique peuvent apporter beaucoup aux jeunes: la persévérance, l’auto-discipline, la détermination, etc.
Rendre accessible la musique aux jeunes, c’est très bien, mais il faut aussi qu’ils aient l’intérêt de prendre des cours. Je suis un peu ambivalente. Je ne pourrais pas dire, par exemple, oui, les enfants doivent absolument avoir des cours d’éducation physique. Il est important que les jeunes se développent mais cela doit aussi venir d’eux-mêmes. Pour moi, la musique m’est venue très tard dans ma vie. Ce n’est pas parce que je n’ai pas commencé à chanter à 4 ans que je ne peux pas avoir une carrière. Alors, je demeure mitigée face à ce sujet.

P.T Il arrive que des artistes se retrouvent dans des positions délicates, par exemple en chantant pour des politiciens controversés. Comment gérez-vous cela? Croyez-vous que les artistes devraient être des activistes et/ou se positionner publiquement sur des thèmes cruciaux?

S.D. C’est vraiment personnel. Parfois, on fait une tempête dans un verre d’eau. Il faut suivre, comme on dit en anglais, son gut feeling. Je pense que c’est le choix des artistes de se positionner ou pas sur des sujets importants. C’est leur droit. Quand je finis de chanter, je dis à tout le monde : « que Dieu vous bénisse ». Cela ne me dérange pas d’afficher ma foi. Je leur dis sincèrement mes vœux de bénédiction, en mentionnant d’être prudent sur la route, etc. C’est ce que je pense, c’est à prendre ou à laisser [rires]. Au fait, c’est personnel. Je ne crois pas que les artistes doivent obligatoirement être des activistes. Par contre, ceux qui le sont devraient l’être sur toute la ligne. Ceux qui ne le sont pas, c’est leur décision. Cela leur appartient.

P.T. Avez-vous d’autres futurs objectifs professionnels?

S.D. Je travaille sur la sortie de mon projet The Crown Project qui est très important pour moi. Il s’agit d’une auto-production. J’ai écrit et co-écrit toutes les chansons de l’album. Il s’agit d’un témoignage sincère qui n’est pas encore terminé.

P.T. Cet entretien fut un réel plaisir et je suis convaincue que votre parcours inspirera bien des gens, peu importe leur âge, etc. Je vous souhaite beaucoup de succès pour votre carrière!

S.D. Merci beaucoup, Patricia [Turnier] pour l’entrevue.

Son site officiel: https://sylviedesgroseilliers.ca/
Sa page officielle Facebook : https://www.facebook.com/OfficialLadySDG/

Le prochain concert de la chanteuse:  https://www.lebalcon.ca/sylvie-desgroseilliers



Ses albums sont disponibles sur amazon.ca

 

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1 Il s’agit de l’album le plus vendu de Franklin. Ce disque enregistré à l’église, a donc laissé une empreinte indélébile et a durablement marqué les esprits du public.

2 Ce type de musique existe en Amérique depuis les années 20. Cela a été remplacé par le R&B durant les années 40. Il s'agissait dès les débuts d'une musique commerciale des Afro-Américains qui était enregistrée. Il était aussi malheureusement question d'une tentative de ségréguer la musique dans le pays.