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Infolettre
Le cinéma noir américain des années Obama |
Written by Dr Régis Dubois Ph.D/une courtoisie des éditions LettMotif |
Wednesday, 20 September 2017 00:00 |
Années 2010 : un nouvel âge d’or du cinéma noir? Et nous voilà donc arrivés aux années Obama, période 2009-2016. Ce que l’on peut constater en prenant du recul, c’est que l’ère Obama n’a pas véritablement engendré de phénomène nouveau au cinéma. Il existait des films afro-américains depuis longtemps, et pas seulement des films de série B u des films communautaires, mais aussi des films ‘’de prestige’’mainstream explorant l’histoire des Noirs américains, à l’exemple de Sounder (1972) pour n’en citer que quelques-uns. Par ailleurs, en termes de quantité, on ne peut pas dire non plus qu’il y ait davantage de films noirs produits et diffusés aujourd’hui que durant les périodes Blaxploitation ou New Jack : on dénombre en effet environ 160 films noirs pour la période 1969-1976, 140 entre 1989 et 1996 et 165 pour l’époque qui nous occupe ici, à savoir les années 2009-20161. Il n’empêche, ceci étant dit, les années Obama s’apparentent quand même à un âge d’or du cinéma noir. À cela au moins trois bonnes raisons. Tout d’abord parce qu’il n’y a jamais eu autant de réalisateurs noirs en activité à Hollywood que durant ces années 2009-2016, comme le confirmait Lee Daniels en 2013 [...]. Deuxièmement, si les années Obama s’apparentent à une sorte d’âge d’or di cinéma noir, c’est aussi parce que beaucoup de films de la période célèbrent l’héritage afro-américain à travers des récits souvent inspirés de faits réels qui évoquent le long chemin parcouru par la communauté noire depuis l’esclavage jusqu’à l’élection de Barack Obama 12 Years a Slave (Steve McQueen, 2014), Django Unchained (Quentin Tarantino, 2012), The Birth of a Nation (Nate Parker, 2016), Red Tails (Anthony Hemingway, 2012), 42, (Brian Helgeland, 2013), La Couleur des sentiments (Tate Taylor, 2011) Selma (Ava DuVernay, 2015), Le Majordome (Lee Daniels, 2013) ou Loving (Jeff Nichols, 2016) pour n’en citer que quelques-uns, et jusqu’au récent First Date (Richard Tanne, 2016) qui met en scène le premier rendez-vous du futur président et de sa future femme en 1989. Films auxquels il faut bien sûr ajouter tous les biopics musicaux célébrant l’héritage culturel afr0-américain comme Notorious B.I.G. (George Tillman, Jr., 2009), Jimi: All Is by My Side (John Ridley, 2013), Get On Up (Tate Taylor, 2014), NWA : Straight Outta Compton (F. Gary Gray, 2015), Miles Ahead (Don Cheadle, 2016), Nina (Cynthia Mort, 2016) et All Eyez on Me (Benny Boom, 2017). Une tendance mémorielle forte donc et une cohérence dans la répétition. Nous y reviendrons. Enfin, si la période semble si riche et abondante en black films, c’est parce que contrairement à la grande majorité des films Blaxploitation ou New Jack –films de genre souvent violents essentiellement destinés à un public de teenagers –les films de l’ère Obama s’avérèrent bien plus mainstream, plus ‘’grand public’’, et leur succès fut sans commune mesure avec les films de la génération précédente : 213 millions de dollars de recettes dans le monde pour La Couleur des sentiments (2011), 187 millions pour 12 Years a Slave (2014), 177 millions pour Le Majordome (2013) ou encore 201 millions pour NWA : Straight Outta Compton (2015). Par comparaison Boyz N the Hood (1991) rapporta 57 millions, Malcolm X (1992) 48 millions et Menace II Society (1994) 27 millions3. Succès au box-office donc mais également aux Oscars comme le confirme le palmarès de ces années qui a mis à l’honneur des œuvres comme Precious (actrice, adaptation), The Blind Side (actrice), La Couleur des sentiments (actrice de 2nd rôle), Django Unchained (scénario, acteur de 2nd rôle), Lincoln (acteur, décors), Selma (chanson) et surtout 12 Years a Slave (meilleur film, scénario et actrice de 2nd rôle). Les films de l’ère Obama semblaient ainsi s’inscrire dans l’air du temps, récoltèrent davantage de prix (12 Years a Slave est le premier réalisé par un Noir –britannique certes–à recevoir un Oscar)4 et gagnèrent donc en visibilité là où les films Blaxploitation et New Jack souffraient d’une forme de ghettoïsation. Mais le prix à payer ne fut-il pas dans la recherche du consensus à tout prix? [...] L'article ci-dessus est un extrait du dernier livre de Dr Dubois intitulé Le cinéma noir américain des années Obama (2009=2016) des éditions LettMotif http://www.edition-lettmotif.com/. L'ouvrage est disponible à www.amazon.fr ------------ 1 Ces statistique personnelles sont approximatives, il est en effet difficile de comptabiliser précisément l’ensemble des films évoquant la ‘’question noire’’, étant donné qu’ils recoupent des réalités trop disparates (à partir de combien de personnages noirs par exemple peut-on parler de film ‘’noir’’? Doit-on inclure seulement les films largement diffusés ou aussi fauchés au succès confidentiel, voire les direct-to-DVD?...) Disons que cela nous donne un ordre de grandeur. 2 Années 2009-2016 : 116 films réalisés par des Afro-Américains sur 165 films noirs (soit 70% des cas); années 1989-1996 : 80 sur 140 (soit 57%); années 1969-1976 : 60 sur 160 (soit 37% environ). 3 http://www.the-numbers.com/keyword/African-American 4 Ajoutons que l’année suivante Viola Davis, qui jouait dans La Couleur des sentiments (2011), devint la première femme noire à recevoir l’Emmy de la meilleure actrice dans une série dramatique pour sa performance dans Murder (How to Get Away with Murder, 2014) ---------------------------- À propos de l’auteur : Dr Régis Dubois est un talentueux Docteur en cinéma de l'Université d'Aix-Marseille (sa thèse obtenue en 2002 portait sur "Le cinéma africain-américain : enjeux politiques et discours idéologiques"). Il est par ailleurs auteur, journaliste, réalisateur et enseignant à Marseille (France). Il a notamment écrit pour CinémAction, Télérama, Le Monde Diplomatique, Manière de Voir, L’Oeil, Contretemps, Brazil, Tausend Augen et Africultures. Il a publié, entre autres, Le Cinéma des Noirs américains (Le Cerf/Corlet 2005), Une Histoire politique du cinéma (Sulliver, 2007), Hollywood, cinéma et idéologie (Sulliver, 2008) et Les Noirs dans le cinéma français : de Joséphine Baker à Omar Sy (LettMotif, 2016). Il anime le site lesensdesimages.com. Il a réalisé le documentaire (parmi d’autres) suivant: http://megadiversite.com/md-tv/205-a-lombre-dhollywood-le-cinema-noir-independant-1910-1950-.html. Il a été entre autres interviewé par l’un des plus grands quotidiens français Le Monde. On l’a aussi cité dans des magazines tels que Jeune Afrique. Vous pouvez le rejoindre à This e-mail address is being protected from spambots. You need JavaScript enabled to view it . |